Skip links

Évaluation de la stratégie de l’Union européenne pour la protection
 et le bien-être des animaux au cours de la période 2012-2015

Le développement intégré du continent européen ne saurait se faire sans prise en compte des questions animales. Les rapports que nous entretenons avec les autres animaux sont effectivement au cœur de nos sociétés, et de plus en plus de jeunes accordent de l’importance à l’amélioration de ces rapports par la prise en compte des intérêts des animaux dans l’établissement de nos politiques. Ainsi, notre Organisation s’attache à ce que ces questions puissent trouver des réponses appropriées et coordonnées afin de permettre de maximiser leur impact.

Sur le continent européen, une bonne coopération et une stratégie claire au niveau de l’Union est essentielle pour permettre une amélioration de la qualité de la protection et du bien-être des animaux au sein de l’ensemble des États-membres. Ce n’est pourtant qu’en 2006 qu’un plan d’action a été mis en place en tentant de couvrir un maximum d’aspects de la politique de l’Union en la matière.

La stratégie de 2012 est sensiblement plus approfondie que celle de 2006 et s’attache à poursuivre un raisonnement clair sur la question, fondé sur des objectifs concrets et des planifications d’actions y répondant. Dans ce travail, nous effectuerons donc nos retours successivement sur ces deux aspects. Au cours d’une troisième partie, nous évoquerons quelques suggestions dans la définition d’une stratégie future dans ce domaine clé.

Ce travail est une synthèse des impressions générales sur la stratégie précitée que nous avons pu dégager dans la mesure de nos moyens. Certains détails et subtilités dont peut disposer la Commission ont pu évidemment nous échapper. Nous espérons néanmoins qu’en croisant nos impressions avec celles d’autres acteurs et actrices de la société civile, ce rapport permettra d’aider la Commission à mettre en place une stratégie toujours plus rationnelle et protectrice des animaux et de leurs intérêts.

1. Retour sur les objectifs de la stratégie

La définition des objectifs de toute stratégie est au cœur de toute efficacité de la part celle-ci. Pour ce qui est de la stratégie à l’étude, sa définition d’objectif est double. D’une part, la définition même des termes de protection animale et de bien-être animal sous-tendent la manière dont doit être comprise cette stratégie. Nous verrons si et comment la définition de ces termes peut être améliorée afin de clarifier les objectifs de la stratégie. D’autre part, la stratégie pointe les insuffisances de l’époque qui nuisent à la protection et au bien-être des animaux, entendant qu’il faut réduire voir éliminer ces insuffisances. Pour cette analyse, nous examinerons donc la définition de ces insuffisances et les étudierons afin de savoir si elles ont pu être résorbées. 

  1. 1.1. Retour sur la définition de la protection animale et du bien-être animal

Le premier élément qui nous interpelle est celui de la double dénomination « protection animale » et « bien-être animal ». Elle sous-entend une différence entre ces deux terminologies qui sont pourtant peu précisées. Ainsi, on pourrait tenter de différencier la protection animale du bien-être animal en attachant la protection animale aux animaux sauvages dont le mode de vie n’est pas régulé par l’humain et devant parfois être protégé de celui-ci, et le bien-être animal aux animaux détenus par les humains pour toute raison que ce soit (amusement, expérimentation, élevage en vue de consommation de viande…).

Toutefois cela n’est pas le cas pour les politiques de l’Union, puisque plusieurs directives réglementant les conditions de vie et d’abattage d’animaux détenus par les humains ne mentionnent expressément que la protection. Ainsi il nous apparaît que cette double-dénomination est plutôt source de confusion et que favoriser une dénomination unique aurait été plus clair, ou tout du moins que chacune des deux composantes auraient du être clairement définies s’il apparaît à la Commission qu’elles sont différentes.

Sur ce sujet les travaux les plus aboutis pour l’Union européenne sont ceux du Professeur Broom, notamment dans son étude « Le bien-être animal dans l’Union européenne » publiée par le département thématique « Droits des citoyens et affaires constitutionnelles ». Ces travaux reprennent expressément le travail du Pr. Broom sur la définition du bien-être animal. Il nous apparaît à partir de cette étude que la définition du bien-être animal en tant qu’indicateur de l’état relatif de tout individu à ses tentatives d’adaptation à son environnement doit être retenu par l’Union pour ses stratégies. Dans ce cadre, puisque le bien-être des animaux constitue un indicateur, la manière la plus correcte de nommer les objectifs qui sont poursuivis est « amélioration du bien-être animal ».

Par ailleurs, ce qui est demandé par un nombre grandissant de citoyens et de citoyennes européennes est la prise en compte systématique des intérêts des animaux. Cette approche d’intérêts des animaux en tant que catégorie sectorielle serait une avancée, puisqu’elle peut se rattacher aux visions promues notamment par le Pr. Broom de « One Welfare » dans le sens où les intérêts des animaux peuvent dès lors être conçus comme étant directement liés aux intérêts humains.

  1. 1.2. Retour sur l’état des nuisances aux intérêts des animaux au sein de l’Union

La communication de la Commission établissant la stratégie met l’accent sur les déterminants qui nuisaient alors au niveau de bien-être des animaux dans l’Union. Elle en liste quatre, pour lesquels nous reviendrons sur la justification et étudierons l’état actuel :

  • Le contrôle de l’application de la législation de l’Union par les États membres faisait encore souvent défaut dans un certain nombre de domaines.

Le contrôle de l’application de la législation de l’Union est un domaine difficile dans lequel des avancées ont toutefois pu être réalisées. Toutefois selon nous, une approche fondée sur des droits accordés aux animaux et sur laquelle nous reviendrons en troisième partie permettrait d’améliorer l’efficacité dans ce domaine en ouvrant la saisine de la Cour de justice de l’Union aux associations de protection des animaux.

  • Il manquait une information appropriée des consommateurs sur les questions de bien-être animal.

La question de l’information du consommateur est au cœur de la capacité d’amélioration du bien-être animal. L’information claire du consommateur est absolument nécessaire à l’établissement d’une concurrence libre et non faussée telle que définie dans les objectifs des traités de l’Union.

Cet enjeu est particulier notamment en raison du développement progressif des mouvements de consommaction, et en particulier ici les mouvements végétariens, végétaliens et véganes. À ce titre, l’absence actuelle de label reconnu au niveau de l’Union tel que le label Bio fait défaut. Ainsi, le label aujourd’hui le plus utilisé est celui de la European Vegetarian Union, qui si elle est une organisation indépendante demeure une institution privée et donc potentiellement instable. Il serait ici également possible de s’inspirer d’initiatives gouvernementales y compris dans des domaines proches au niveau de l’information du consommateur, et notamment du Nutriscore établi en France pour la qualité nutritive et qui serait potentiellement transposable au niveau européen et à l’amélioration du bien-être animal, gagnant également en efficacité à être obligatoirement renseignée.

  • De nombreux acteurs concernés n’avaient pas une connaissance suffisante des questions de bien-être animal.

Le manque de connaissances des acteurs concernés est effectivement un enjeu essentiel de l’amélioration du bien-être des animaux. Dans ce cadre, si l’Union a agi pour améliorer les qualifications nécessaires à l’utilisation des animaux, il apparaît que la précarité des emplois et des travailleurs et travailleuses au contact des animaux est un enjeu fortement relié au bien-être de ceux-ci et dont l’Union s’est trop peu saisie.

  • La complexité les principes en matière de bien-être animal et le manque de clarté de leur conception se faisait ressentir.

L’identification du problème a ici bien été réalisée. De notre point de vue, l’asence de clarté dans la conception de principes en matière d’élaboration du bien-être animal, au point que les dénominations nous paraissent encore confuses, est en décalage avec la volonté grandissante parmi la population européenne de voir reconnaître ces principes.

Dans ce domaine il faut différencier deux aspects. D’une part, du point de vue de la capacité à concevoir le bien-être animal en tant que notion, de réelles avancées ont été réalisées, notamment par le rapport du Pr. Broom qui définit clairement le bien-être animal. Toutefois, il nous apparaît que la capacité de l’Union à simplifier ces principes et à établir une ligne directrice claire n’a pas été achevée, comme nous le développerons dans la partie suivante.

Il s’agirait selon nous par ailleurs dans l’évaluation de l’état des nuisances aux intérêts des animaux de ne plus se limiter à des catégories théoriques mais à des catégories concrètes et à l’établissement d’un catalogue des nuisances. Dans ce cadre et selon le rapport « Le bien-être animal dans l’Union européenne », le problème le plus grave vis-à-vis du bien-être animal est celui des troubles des pattes de poulets de chair et des autres problèmes qui s’y rattachent.

Toutefois il s’agirait dans ce catalogue d’agir en urgence dans les domaines que l’opinion publique considère comme problématiques. Ainsi il s’agirait pour l’Union de cesser d’autoriser les dérogations aux règles en matière de protection des intérêts des animaux pour des raisons religieuses ou culturelles, dérogations permettant la tauromachie ou encore l’abattage sans étourdissement. Il s’agirait également de mettre en place un véritable plan favorisant l’apparition d’alternatives à l’expérimentation animales dans le domaine scientifique, là où encore aujourd’hui les normes de l’Union favorisent malheureusement parfois la baisse du bien-être animal pour des raisons infondées ou insuffisamment proches des réalités de la recherche scientifique. Afin de protéger les animaux, il faut également réguler la chasse et mettre à l’étude son interdiction. Il s’agit en effet aujourd’hui une pratique non nécessaire, génératrice non seulement de grandes souffrances pour les animaux, mais également de dérégulation des écosystèmes naturels en raison du lâchage d’animaux dans la nature à cette fin, mais aussi de blessures voire de morts accidentelles trop nombreuses.

  1. Retour sur la mise en œuvre de la stratégie

La mise en œuvre de la stratégie s’est appuyée selon la communication de la Commission sur deux volets. Ainsi, elle traite d’une part des problèmes communs devant être reconnus et auxquels des réponses globales doivent être apportées, et d’autres part de mesures plus spécifiques.

  1. 2.1. Retour sur l’établissement de principes généraux permettant une orientation globale pour l’amélioration du bien-être animal

Dans ce domaine la communication de la Commission se propose d’examiner plusieurs mesures. Si plusieurs de ces propositions ont été suivies d’effets et que la qualité de la protection des intérêts des animaux s’en est trouvée renforcée, le système juridique manque encore d’une directive claire consacrant les intérêts de l’ensemble des animaux, qu’ils soient d’élevage ou non.  De plus, les dispositions les plus générales aujourd’hui contiennent toujours les dispositions déplorées par la communication en raison de leur manque de précision conduisant à une protection insuffisante.

Au-delà de ces considérations sur des normes générales qui sont encore à venir, il faut noter l’utilité des normes sectorielles de l’Union qui aujourd’hui apportent en son sein un des meilleurs cadres mondiaux pour la prise en compte des intérêts des animaux. La poursuite de l’établissement de directives sectorielles sur les cinq dernières années étaient ainsi la bienvenue, quoiqu’un certain nombre d’espèces attendent encore une réglementation protectrice, notamment comme le soulève le rapport « Le bien-être animal dans l’Union européenne » les cas de la deuxième (truite), troisième (saumon), quatrième (lapin), cinquième (canard), sixième (dinde), huitième (chat), neuvième (bovin), dixième (ovin) ou onzième (chien) espèce animale la plus détenue dans l’Union. Ces normes sectorielles ne concernent de plus généralement que les animaux d’élevages et se révèlent souvent insuffisantes pour permettre l’amélioration du bien-être animal au sein d’autres types de rapports que l’humain entretient avec les autres animaux. Ainsi et devant la difficulté compréhensible qu’a l’Union d’établir une législation spécifique pour chaque animal, il serait à notre sens opportun de regrouper les espèces en catégories et de légiférer sur la base de ces catégories, comme le proposent Sue Donaldson et Will Kymlicka dans Zoopolis : Une théorie politique des droits des animaux.  

Il ne s’agit selon nous pas uniquement de consacrer de nouveaux principes généraux ou sectoriels toutefois, mais de de faire respecter ceux édictés par les normes européennes. Il s’agit donc dans ces domaines de veiller à la transposition claire des directives par les Etats-membres, avant même de considérer de nouvelles pistes comme nous le suggérons en troisième partie.

Enfin, il nous paraît absolument nécessaire que les pistes déjà proposées par la Commission en 2012 puissent être poursuivies et menées à leur terme. Il s’agit notamment de baser les normes à venir sur des indicateurs validés scientifiquement, en prenant en considération l’expérience acquise à l’aide des indicateurs sectoriels notamment pour les poulets de chair et l’abattage.

  1. 2.2. Retour sur le renforcement et l’utilisation meilleure des mesures prises par la Commission

La Commission a par ailleurs mis en avant diverses actions stratégiques consistant en un renforcement des mesures qu’elle est amenée à prendre dans le domaine de l’amélioration du bien-être animal et dans la meilleure utilisation de ces mesures et des ressources à sa disposition. Les domaines d’actions de la Commission sont en effet divers pour permettre l’implantation globale d’une meilleure cohabitation entre les humains et les autres animaux au sein de l’Union. Divers domaines d’action ont ainsi été identifiés en 2012.

  • Soutien aux États-membres et prise de mesures pour améliorer la conformité

L’uniformisation des politiques concernant l’amélioration du bien-être animal se fait de plus en plus au niveau de l’Union, ce qui est un véritable pas en avant pour les animaux, mais favorise également une concurrence équitable au niveau des différents Etats-membres. La stratégie doit toutefois se poursuivre non seulement pour rendre la conformité systématique, mais également pour empêcher les scandales agroalimentaires dans le domaine des produits animaliers qui éclatent régulièrement.

  • Soutien à la coopération internationale

L’UE se propose au niveau mondial de partager sa vision en termes de bien-être animal. Si cela peut être bénéfique notamment dans les pays ne disposant pas de législation ou du moins pas suffisante en matière de bien-être animal, cela suppose deux conditions qui sont encore insuffisamment réunies. Tout d’abord, cela suppose que l’Union établisse clairement sa propre vision sur le bien-être animal et suppose donc une réglementation-cadre qui n’est pas à ce jour établie. De plus, il est nécessaire de prendre en compte les moyens des Etats avec lesquels échange l’Union. Dans ce cadre, l’établissement de fonds internationaux destinés à aider les pays notamment en voie de développement à améliorer le bien-être animal et à lutter contre les réseaux illégaux qui agissent pour baisser le bien-être animal.

Il s’agit également pour l’Union, et cela est jusqu’à présent trop peu soulevé, de lutter activement et efficacement contre le braconnage international. Elle doit pour cela développer ses capacités de lutte contre la cybercriminalité et les réseaux criminels, et aller vers la prise en charge du rapatriement des animaux braconnés sur leurs terres sauvages dans tous les cas pour lesquels cela est techniquement possible.

Dans ce domaine enfin, il est absolument nécessaire que l’Union rationnalise ses accords de libre-échange de manière à ne pas en permettre avec des pays partageant des objectifs en matière de bien-être animal moins élevés qu’elle, comme c’est le cas notoirement pour le Japon. En effet par le mécanisme des tribunaux internationaux d’arbitrage ces accords de libre-échange comportent le risque pour l’Union de devoir limiter ses acquis en termes de protection des intérêts des animaux, entrant donc dans une potentielle démarche régressive plutôt que dans une démarche d’amélioration du bien-être animal.

  • Communication d’informations appropriées aux consommateurs et au public

Nous avons déjà largement abordé ce point essentiel en première partie. Nous pensons qu’au-delà de la multiplication des programmes spécifiques d’information qui sont bien sûr nécessaires, la mise en commun au niveau européen d’indicateurs clairs permettrait de marquer les esprits et de faire une différence. C’est la raison pour laquelle nous sommes en faveur de l’établissement d’un label clair sur le modèle du Nutriscore permettant aux consommateurs de connaître l’impact de sa consommation sur le bien-être animal dans l’ensemble de l’Union.

  • Optimisation des synergies avec la politique agricole commune

La politique agricole commune est un moyen d’une puissance exceptionnelle à disposition de l’Union. Si l’optimisation des synergies nous paraît être une formulation trop vague pour obtenir des résultats concrets suffisamment importants, une réelle utilisation du fonds de la politique agricole commune pourrait être faite pour améliorer le bien-être animal dans l’Union. Ainsi, il s’agirait de conditionner une part des fonds versés aux exploitations détenant des animaux à l’amélioration progressive des indicateurs sur le bien-être animal, et de créer des fonds spécifiques de soutien à l’innovation pour des pratiques plus respectueuses du bien-être animal voire sans utilisation de ressources animales. 

  • Enquête sur le bien-être des poissons d’élevage

La condition des poissons d’élevage est absolument essentielle. En effet, l’année 2018 marque un basculement dans la consommation du poisson au niveau mondial avec pour la première fois plus de consommation de poissons d’élevages que de poissons sauvages au niveau de l’humanité. Cette question est donc amenée à devenir de plus en plus centrale. Ainsi, les travaux d’études à ce sujet doivent s’accélérer pour produire rapidement des cadres clairs permettant de maximiser le bien-être de ces poissons.

  1. Idées pour une future stratégie dans le domaine

Nous l’avons vu, les nuisances identifiées aux intérêts des animaux n’ont été que partiellement résorbées par la stratégie 2012-2015. S’il est absolument nécessaire que l’Union poursuive l’établissement de stratégies dans le domaine, il serait toutefois selon nous préférable que des innovations permettent d’en améliorer l’efficacité. Ainsi, nous avons soulevé deux suggestions dans le cadre de l’établissement d’une future stratégie pour l’amélioration du bien-être des animaux dans l’Union. 

  1. 3.1. La définition théorique d’une stratégie par une approche en droits des animaux

Les approches futures concernant l’amélioration du bien-être animal devront s’attacher à développer systématiquement les intérêts des animaux aujourd’hui encore trop peu pris en compte. Dans ce cadre, nous suggérons de mettre à l’étude une approche fondée sur des droits reconnus aux animaux, de telle manière que cette approche, si son efficacité venait à être réelle, puisse être adoptée au niveau de l’Union.

En effet, dans le système juridique dont nous disposons et qui est au cœur de l’établissement de l’Union, l’approche par les droits, développée depuis l’établissement de la Charte des droits fondamentaux de 2000, est l’outil le plus sûr pour garantir des intérêts. Dans ce domaine, l’approche avancée par Sue Donaldson et Will Kymlicka dans leur ouvrage Zoopolis, Une théorie politique des droits des animaux nous parait intéressante comme base pour développer les outils d’une telle étude. En effet, celle-ci se fonde sur le statut individuel des animaux tel que reconnu par la communauté scientifique et pour l’Union proposé par le Pr. Broom, en y adjoignant une étude catégorielle des espèces d’animaux permettant d’établir des droits distincts selon leurs réalités par rapport à l’espèce humaine.

Au-delà, une telle approche nécessite que la Cour de justice puisse être saisie des questions relatives à l’application des mesures protégeant les intérêts des animaux. Une impulsion paraît nécessaire afin que la Cour se sente légitime pour se faire. Par ailleurs et à long terme, afin de garantir les droits des animaux qui auront été développés, il pourrait être mis à l’étude de permettre aux associations de protection des intérêts des animaux de saisir la Cour afin de garantir dans ce domaine critique le respect du droit.

  1. 3.2. L’établissement pratique d’une stratégie sans influence excessive des groupements d’influence potentiellement en défaveur de l’amélioration du bien-être animal

Enfin, dans ce secteur particulier de l’amélioration du bien-être animal, l’ensemble des institutions européennes doit selon nous demeurer prudent et conscient des intérêts potentiellement opposés de certains acteurs institutionnels, notamment divers professionnels du secteur de l’agroalimentaire, des organisations de chasse, des organisations de zoos avec animaux, divers laboratoires pharmaceutiques détenant des animaux utilisés à fin d’expériences… Il s’agit donc d’éloigner l’établissement des politiques de l’Union de l’influence potentiellement néfaste de telles organisations.

En effet, s’il est a priori légitime que l’établissement des politiques puissent s’exercer de façon transparente et en permettant à l’ensemble des citoyens, des citoyennes, des organisations et institutions, des partenaires, des groupes d’intérêts de faire savoir leurs commentaires, il faut toutefois empêcher les pratiques néfastes pour l’établissement indépendant des décisions politiques.

Ainsi, il faut veiller à l’absence de prise d’intérêt de l’ensemble des acteurs et actrices de l’Union européenne (parlementaires, fonctionnaires…), et à l’absence de pressions pouvant être exercées sur elles et eux. Des parlementaires révèlent ainsi des cadeaux sous couvert d’évènement, des groupes et fraternités promouvant certains intérêts, etc. Cela doit être réglementé selon nous, et la transparence déjà promue doit être poursuivie.

De plus, il faut éviter d’impliquer au sein même des institutions de l’Union sur certaines politiques des organisations ayant potentiellement des intérêts contraires auxdites politiques. Ainsi, dans le domaine de l’amélioration du bien-être animal ici à l’étude, il s’agit de s’intéresser au cas de la « Plateforme européenne sur le bien-être animal » au sein de laquelle sont représentés de nombreux professionnels du secteur de production de viande et de produits issus d’animaux, ce qui peut paraître contreproductif par rapport à son objectif.

Conclusion

La stratégie de l’Union européenne pour la protection et le bien-être des animaux au cours de la période 2012-2015 marque à notre sens la prise en compte sérieuse de ces questions d’un point de vue global par l’Union. En effet, la stratégie de 2006 manquait trop de précision pour permettre un ensemble organisé, quoique de nombreuses directives sectorielles aient vu le jour dans le cadre de cette stratégie. En 2012, si les propositions d’actions stratégiques établies par la Commission étaient justes, quoique laissant de côté certaines problématiques pourtant connues de l’opinion publique, la mise en œuvre de la stratégie n’a pas permis le changement espéré. De nouvelles pistes innovantes devront être explorées dans le domaine au cours d’une stratégie future, pour laquelle nous suggérons d’étudier une approche fondée sur les droits des animaux, de fonder un label européen permettant au consommateur de connaître l’impact de ces consommations sur le bien-être animal, et proposons d’éloigner le processus de création de politiques l’influence des secteurs potentiellement en défaveur de l’amélioration du bien-être animal.

Nino TOUSSAINT,

Chargé des questions animales et écologiques auprès de
l’Organisation des jeunes pour l’Union européenne et africaine