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Africa Day 2020, un rassemblement aux enjeux multiples

Le 27 février 2020, l’OJUEA a dépêché une mission à Dakar (Sénégal) pour participer à l’Africa Day 2020. Organisé conjointement par les autorités sénégalaises, par la Banque européenne d’investissement (BEI) et par UN-Habitat, cette édition de la Journée de l’Afrique avait pour thème : l’urbanisation durable des villes africaines. L’Union européenne déclare à ce sujet :

« La population africaine augmente et s’urbanise à un rythme très élevé, générant une demande de plus en plus forte de services et d’infrastructures pour les villes d’aujourd’hui et de demain. Deux tiers des espaces urbains dont le continent aura besoin à l’horizon 2050 sont aujourd’hui encore inexistants. Ils ne seront construits qu’au cours des 30 prochaines années. » (« Journée de l’Afrique 2020 BEI-ONU-Habitat – Des villes centrées sur l’humain », Union européenne, europa.eu, 27 février 2020, consulté le 1er mars 2020, https://europa.eu/newsroom/events/eib-un-habitat-africa-day-2020-cities-people_fr).

Au regard de ce descriptif, on comprend que l’Union européenne et naturellement, ses homologues africains, s’intéressent au plus haut point à la problématique soulevée durant cette journée. Ainsi, aux côtés de la BEI, de UN-Habitat et du gouvernement sénégalais, des représentants des sociétés civiles européennes et africaines ainsi que de la Banque africaine de développement (BAD) étaient présents. L’OJUEA a pu faire entendre sa voix auprès d’eux.

Nous sommes en effets convaincus que l’avenir de l’urbanisation durable réside dans des Etats forts mais décentralisés, lesquels permettraient de valoriser les circuits courts et les pôles d’activités locaux. Nous avons par exemple défendu cette position au cours des deux ateliers de travail de la journée, qui portaient respectivement sur les enjeux de la digitalisation en Afrique et sur les problématiques pour les stakeholders de l’urbanisation durable. 

Ce point de vue a également été soutenu lors de la cérémonie d’ouverture, par Mme. Marie Laure Olugbade, Directrice la BAD en Afrique de l’Ouest. La convergence de nos idées avec celles de hautes autorités africaines renforce donc la confiance que nous portons quant au succès de notre collaboration avec elles.

En outre, nous avons pu nous entretenir avec M. Werner Hoyer, Président de la BEI, qui, à l’écoute de nos projets, s’est déclaré enthousiaste (« Ich finde es toll ») aux idées que nous portons et aux buts que nous visons. De même, cette journée a été l’occasion de présenter nos idées à d’autres acteurs institutionnels et civils, publics et privés, qui y ont tous vu une occasion pertinente de rapprocher les jeunesses européennes et africaines de leurs gouvernants. 

A l’issue de cette journée, nous pouvons dégager les trois problématiques qui préoccupent les jeunes Africains, et particulièrement les Sénégalais. Tout d’abord, c’est la problématique de l’emploi qui inquiète. Il a été plusieurs fois mentionné par les intervenants que plus d’un sixième des personnes de plus de 15 ans étaient au chômage. L’Agence nationale de la statistique et de la démographie (ANSD) du Sénégal annonce un chiffre de 14,3% au quatrième trimestre de 2018 (« Enquête Emploi », ANSD, ansd.sn, consulté la 1er mars 2020, http://www.ansd.sn/index.php?option=com_ansd&view=titrepublication&id=33), avec une grande disparité entre les villes et les campagnes (16% en milieu rural contre 12,5% en ville, ANSD) ainsi qu’entre les hommes et les femmes (24,1% de femmes au chômage, contre 6,2% pour les hommes, ANSD). S.E. le Président de la République du Sénégal, M. Macky Sall, a par ailleurs déclaré au cours de la cérémonie d’ouverture, que ce chômage des jeunes risquait de mener à « toute forme de radicalisme ».

Au regard de ces chiffres éloquents, les deux autres enjeux pour les jeunes sénégalais apparaissent. Ils sont : les inégalités entre les sexes et les genres, et les inégalités entre les milieux urbains et les milieux ruraux. 

Ces deux problématiques se recoupent. En effet, si peu de chiffres peuvent faire état de cette situation en raison de sa nature difficilement mesurable, il apparaît pourtant que le « profil type » de la « femme rurale sénégalaise » témoigne parfaitement de ces inégalités de sexe et de genre en milieu rural. La « femme rurale sénégalaise » est celle qui s’occupe à la fois du ménage, de l’éducation des enfants et qui entretient son exploitation agricole pour vendre sa production et ramener un revenu au ménage, tandis que son mari, désœuvré, flâne avec ses pairs. Cette image, certes caricaturale n’en reste pas moins ancrée dans l’esprit des Sénégalais et reflète donc une réalité loin du modèle de la famille nucléaire occidentale théorisée par Emmanuel Todd. La « femme rurale sénégalaise » occupe les deux fonctions de la famille nucléaire, en faisant à la fois office de breadwinner et de householder (dans la famille nucléaire, le breadwinner est le mari, tandis que le householder est la femme). Cette situation exagère donc les inégalités entre les femmes et leurs maris au sein des familles rurales.

Ainsi, la disparité entre milieux ruraux et milieux urbains préoccupe aussi les jeunes sénégalais, qui s’inquiètent du manque d’opportunités dans les campagnes. Par exemple, beaucoup de villages n’ont pas accès à internet, en plus de ne pas être reliés aux réseaux de transports classiques (routes, voies ferrées, etc.). En somme, les jeunes ruraux sénégalais cherchent un avenir en ville, comme en témoigne l’exode rural dont tous les Sénégalais font état. On estime en effet qu’aujourd’hui, un Sénégalais sur quatre habite à Dakar ou dans sa banlieue, accroissant alors encore plus la pression démographique sur la capitale.

Pourtant, cette tendance est peut-être à l’aune d’un changement. S.E. M. le Président Macky Sall a fait part d’un ensemble de mesures visant à désenclaver les campagnes, tels que nombres de programmes de construction de logements sociaux, de liaison des villages aux infrastructures de transports, de construction d’écoles dans les campagnes, de décentralisation administrative, etc. Un exemple éloquent et visible de cette orientation est la relocalisation en cours du centre gouvernemental du centre de Dakar vers sa banlieue. En effet, quiconque emprunte l’autoroute qui relie la capitale à son aéroport ne saurait manquer de voir l’émergence des buildings du nouveau quartier ministériel qui la bordent. 

A l’issue de l’Africa Day 2020, l’OJUEA sort renforcée d’expérience et de contacts. Nous remercions l’ensemble des acteurs qui ont permis la réalisation de cette événement et des intervenants, ainsi que tous les représentants d’organisations, d’associations et d’institutions avec qui nous nous sommes entretenus, en ayant la certitude que nous œuvrerons ensemble à un meilleur dialogue entre l’Europe et l’Afrique ; entre leurs jeunesses et leurs institutions. 

  • David Antoni
  • Secrétaire Général Adjoint
  • ad.sg@jeunesueua.org