Et si l’on parlait de l’ « indiscipline » des jeunes durant la crise de l’épidémie de COVID-19…
« Partout, que ce soit à Milan, Paris, Dakar ou Douala, il y a des gens qui ne respectent pas les consignes », affirme Fred EBOKO dans l’entretien publié le 23/03/2020 sur le site Le Point.fr. Ces personnes qui ne respectent pas les différentes mesures édictées pour combattre la pandémie de la COVID-19 appartiennent, ici et ailleurs, à toutes les tranches d’âge. Au Sénégal, l’on a assisté à une véritable levée de bouclier pour fustiger l’attitude de la jeunesse, qui serait irresponsable en cette période de lutte contre l’épidémie de la COVID-19. Ils ont été en effet, beaucoup pointés du doigt concernant le non respect de ce qu’il est convenu d’appeler les « gestes barrières » et l’on s’est beaucoup indigné de voir certains d’entre eux monter au créneau pour remettre en cause certaines mesures comme le couvre-feu ou le confinement. Toutefois, s’agit-il là d’une défiance à l’autorité ou, comme l’ont souligné de nombreux commentateurs, d’une preuve d’indiscipline qui caractériserait les personnes de cet âge ? Notre propos ici, consiste à dépasser les généralisations abusives et analyser le comportement des jeunes avec moins d’a priori. La tendance est de regarder ce qui ne va pas. Pour notre part, nous prenons le parti de renverser la perspective et d’insister sur ce qui fonctionne afin que cela puisse servir d’exemple et inspirer de futures actions.
« Les jeunes », une absurdité
La classe d’âge formée par les jeunes ne constituent pas une catégorie homogène. A partir de là, les analyses, ou plutôt les commentaires tels que « les jeunes sont indisciplinés » ou encore « les jeunes ne respectent pas les mesures barrières » perdent de leur pertinence. Il existe certes des jeunes en conflit avec la Loi. Cependant, ils ne sont pas les seules personnes à être dans cette situation. Et le problème que pose cette posture condescendante à l’égard des jeunes, c’est de les stigmatiser et de les désigner comme boucs émissaires pour masquer les ratés des gouvernants dans la gestion de l’épidémie à COVID-19 au Sénégal. Pourtant, durant la crise, des jeunes ont démontré à quel point ils sont utiles, pour peu qu’on les considère avec égard.
Reconnaissons pour autant, et bien qu’ils ne fussent pas les seuls, que de nombreux jeunes se sont permis des « sorties de route » en ce qui concerne les gestes barrières, notamment lorsque des fêtes ou des festivals étaient organisés illégalement. Cela pourrait traduire une difficulté que rencontrent les jeunes génération et qui pourrait les marquer. En effet, il faut absolument éviter que les jeunes soient une « génération de confinés » car les dégâts seraient (et sont déjà) nombreux: isolement, dépression.. (jusque jeunes et moins rencontrent les mêmes difficultés) mais également les difficultés liées au télé travail ou aux cours à distance, la dévalorisation des diplômes liée à la perturbation des cycles d’étude, l’angoisse quant à leur avenir social et professionnel. Il est compréhensible qu’après 6 mois de crise les jeunes aient le besoin de respirer. Bien que cela ne justifie pas des comportement à risque, ils ne peuvent être désignés comme coupables, alors que nous vivons dans une société qui prétend être autant que fair se peut solidaire.
Dépasser le préjugé d’une « jeunesse fainéante »
Au Sénégal, chacun a pu constater, dans son quartier, à quel point les Associations sportives et culturelles (ASC) se sont investies dans la lutte contre l’épidémie à COVID-19. Même si la plupart du temps il s’agissait d’actions symboliques comme la distribution de masques et de produits désinfectant, ils ont réussi à ravir la palme à certaines autorités déconcentrées et élus locaux. Les populations étants parfois déçues des politiques locales menées pour les administrations. L’on ne saurait conclure sans citer le programme national « cent-mille étudiants contre le COVID-19 » qui a permis aux jeunes de démontrer leur engagement aux côtés du Centre des opérations d’urgence sanitaire (COUS).
En définitive, la question de fond est de savoir si l’on a le courage de responsabiliser la jeunesse et si l’on est capable de tirer profit de l’énergie qu’elle dégage ou si l’on reste dans des schémas archaïques qui la considèrent comme un simple panier électoral condamné à n’investir que les questions sportives et étudiantes alors que les plus grands enjeux mondiaux la concernent.
El Hadji Bouré DIOUF
Conseiller général
Organisation des Jeunes pour l’Union Européenne et Africaine au Sénégal