Nous nous sommes rendus pour notre première conférence au Lycée Sainte Marie le 16 mars. Ce cycle de 3 conférences est surtout pour nous une façon de pouvoir échanger avec les jeunes, c’est pourquoi nos exposés sont très brefs au début de chaque session. Notre idée est de laisser un maximum de temps à la jeunesse ivoirienne pour qu’elle puisse s’exprimer. Nous avons donc entamé cet échange par une brève présentation de notre organisation. Ensuite nous avons volontairement rapporté la pensée générale européenne sur les thèmes de la sécurité et des migrations pour animer le débat.
C’est dans ce cadre que les élèves du Lycée Sainte Marie nous ont posé ces questions très pertinentes et voici les réponses que nous avons pu leur apporter :
Le taux d’immigration est causé par le chômage élevé dans les pays Africains. Si les européens donnaient de la chance aux Africains en Afrique, peut-être que cela réduirait le taux d’immigration vers l’Europe ?
Sur la question de l’emploi et de l’immigration, les jeunes européens ne réalisent souvent pas que les jeunes d’Afrique émigrent car ils n’ont pas de travail dans leur pays ou même qu’ils souhaitent simplement un meilleur salaire. Souvent les problématiques d’un continent sont partagées par les deux. L’idée serait plutôt d’aider à financer des projets d’entreprenariat montés par des Africains en Afrique pour créer de l’emploi tout en développant le pays.
Le taux d’immigration est élevé car le système d’éducation est assez bas (le niveau d’éducation). Le niveau des diplômes africains n’est pas valide en Europe, pourquoi ?
Prenons pour exemple le secteur hospitalier. Les pays européens sont assez réticents à confier la santé de leurs citoyens à des médecins ou infirmières titulaires de diplômes étrangers. C’est pourquoi des procédures de reconnaissance des diplômes sont possibles. Simplement, c’est au final l’autorité de santé nationale qui décide si oui ou non les personnes ont le droit d’exercer.
Pour ce qui est des secteurs moins sensibles, c’est en renforçant les partenariats entre les pays européens et les pays africains au niveau universitaire que les universités européennes pourront évoluer sur la question des reconnaissances du niveau des diplômes africains.
Si nous comprenons bien vos différents exposés de ce jour, Vous êtes venus nous dire de ne pas envisager d’aller en Europe ?
Si vous allez tous en Europe, mais qui va rester au pays ? L’idée c’est plutôt d’aller chercher des compétences en Europe qu’on ne peut pas enseigner en Afrique, et ensuite de revenir pour aider le pays à se développer, pour transmettre aux prochaines générations le savoir. Bien sûr si vous voulez partir en Europe et vous y installer, c’est possible, mais il faut aussi penser au développement de son propre pays. Nous n’avons pas vocation à vous interdire d’aller en Europe ou ailleurs dans le monde, nous avons plutôt besoin de savoir pourquoi voulez-vous partir du continent.
C’est plutôt l’image de l’Europe en Afrique qui pousse les jeunes d’Afrique à partir en Europe. Ils idéalisent l’Europe. Quel genre de solutions on pourrait trouver ? Plus montrer les défauts de l’Europe ?
L’important est d’aimer qui on est, par exemple pour les cheveux, on veut avoir les cheveux des blancs, lisses, alors qu’il faut se valoriser. Il y a une certaine dévalorisation et auto-dévalorisassions depuis la colonisation, il faut réapprendre à parler nos langues. Quand on se retrouve en face des Européens on est complexé par rapport à notre français. Apprenez à développer vos talents en tant que femmes, ce qui nous réunit c’est la beauté de valoriser les compétences Europe-Afrique.
Comment on peut se développer si on n’est pas vraiment indépendant ? Les prix des matières premières comme le cacao sont fixés par les Européens donc comment se développer ici ?
L’hégémonie de l’Europe se développe toujours en rapport avec l’image des Africains sur leur propre continent. La sphère politique qui régit les rapports entre l’Europe et l’Afrique est hautement compétitive, il faut avoir accès à un niveau d’éducation plus élevé pour être reconnus comme compétents. L’Europe se trouve dans une posture plus ou moins neutre, c’est le bâton qu’on tend qu’on nous retourne. L’hégémonie par du mental, aujourd’hui le rapport commence à s’équilibrer, mais pour continuer cela il faut se former. Il faut faire moins la part belle à la distraction. Notre génération est une génération qui porte sur ses épaules une haute responsabilité. Chacun de nous a une valeur qu’il faut valoriser. « On a tout le potentiel pour pouvoir relever ces défis. »
C’est très compliqué comme question, mais cette question démontre à quel point vous êtes intelligent dans cette école. C’est de cette jeunesse dont on a besoin, qui ose, qui pose les questions qui peuvent fâcher. Votre questionnement concerne tout le monde. C’est une question qui doit être abordée aussi avec vos parents, pour savoir ce qu’ils en pensent. Ils peuvent déjà vous expliquer ce qui coince ou pas. La première des choses est de se former. Pour sortir votre pays, pas des griffes de l’Europe mais de toutes les puissances. C’est vous qui avez la solution. En tout cas bravo pour votre intelligence, je vous exhorte, je vous supplie, étudiez, réussissez vos examens et quand vous sortirez de là-bas vous aurez la réponse de savoir comment rendre l’Afrique totalement indépendante. »
Le débat fût très intéressant et instructif en ce qu’il nous a permis de mieux cerner les préoccupations que pouvaient avoir de jeunes lycéennes à propos des questions de bilatéralisme. Nos premiers remerciements iront donc aux jeunes filles Kouassi, Yasmina, Yao, Liine et Coulibaly pour leurs questions d’une pertinence remarquable. De plus, nous adressons un grand merci à Mme Fatimata Marie Christ Allou, directrice du Lycée Sainte Marie, d’avoir bien voulu nous recevoir au sein de son établissement.
Enfin, merci à l’ensemble des élèves d’avoir été aussi intéressées et actives lors de nos discussions. Nous sommes profondément heureux d’avoir pu ouvrir le bal de nos interactions avec la jeunesse sur de tels échanges.