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Crise politique en Biélorussie

La crise politique en Biélorussie nous interpelle, d’où la décision de nous saisir de la question pour vous informer. En plus de toucher toute la société civile biélorusse, cette situation affecte d’autant plus les jeunes, les plus fervents défenseurs de l’avènement d’une démocratie biélorusse. 

Ex-démocratie populaire du bloc de l’Est, la Biélorussie prend son indépendance en 1991. Elle élit Stanislaw Chouchkievitch, vite remplacé pour corruption par Alexandre Loukachenko en 1994. Celui-ci met en place une constitution lui étant favorable et crée un nouveau régime autoritaire. Seul pays européen non-admis au Conseil de l’Europe à ce jour, le régime politique biélorusse est considéré comme le plus autoritaire d’Europe. Cependant, malgré l’aspect très peu démocratique du régime, des élections sont tout de même organisées. C’est à cette occasion que débute la crise politique actuelle. 

Le 9 août 2020, après une campagne hors-norme ayant révélé un profond mécontentement du peuple biélorusse, Alexandre Loukachenko est annoncé victorieux avec 80,23% des voix. La candidate de l’opposition Svetlana Tikhanovskaïa et ses partisans se sont rassemblés dans la nuit dans plus de 30 villes du pays pour manifester contre ce résultat, accusant le régime de fraude électorale. Les autorités auraient procédé à plus de 200 arrestations selon Viasna, ONG biélorusse de défense des droits humains. 

Loukachenko pensait avoir infirmé les espoirs de l’opposition en écartant dès le début de la campagne les trois opposants qui auraient été capables de fédérer la population biélorusse. Toutefois, Svetlana Tikhanovskaïa, épouse du blogueur incarcéré Sergueï Tikhanovski et mère au foyer jusqu’à 1 mois avant l’élection, a su se démarquer et raviver les espoirs démocratiques d’une partie de son peuple. En plus de porter les espoirs d’une jeunesse désabusée par les excès autoritaires de Loukachenko, l’opposition souhaite mettre fin à la profonde détresse économique dans laquelle le pays est retenu. En effet, celui-ci est entièrement dépendant des revenus du transit du pétrole et du gaz russe sur son territoire. Sans les aides financières de l’ex puissance soviétique, le système économique biélorusse ne pourrait que s’effondrer comme l’expliquait le journal Moskovski Komsomolets

Mais si Svetlana Tikhanovskaïa a su séduire une partie des électeurs biélorusses, c’est plus par sa personnalité que son programme politique dont les grands axes restent encore opaques. Etant d’ailleurs décrite comme une femme «aimant réellement son pays», «pas une leader mais une personne touchante», la candidate de l’opposition n’envisage pas réellement la gouvernance du pays mais plutôt l’éviction du régime en place. C’est par conséquent dans cette logique que s’inscrivent ses promesses : organisation de nouvelles élections libres, référendum constitutionnel et libération des prisonniers politiques. 

Sur le plan international, l’opposition a pu compter sur les déclarations de soutien des pays de l’Union européenne. De plus, Svetlana Tikhanovskaïa a reçu le prix Sakharov 2020, décerné par le Parlement européen. Lors du sommet européen du 2 octobre, les dirigeants européens se sont accordés pour mettre en place des sanctions sur les avoirs de hauts dignitaires et responsables biélorusses en plus d’interdire leur accès au sol européen. Le 17 décembre ces sanctions se sont vues élargies à un plus large panel de responsables mais toujours sans viser directement Loukachenko, afin de conserver une porte de dialogue. 

Du côté russe, Vladimir Poutine s’est dit «convaincu» que Loukachenko saurait résoudre cette crise. 

Jusqu’à présent, l’opposition sur place a mis en oeuvre des actions de désobéissance civile pour bloquer le régime. Les usines sont devenues des bastions de grève importants. De plus, sur les réseaux sociaux, une substantielle majorité de la jeunesse biélorusse ne cesse d’appeler à l’aide l’Union européenne pour influer sur cette situation, dont l’issue favorable serait le départ de Loukachenko. 

Cependant, du côté du gouvernement biélorusse, toute action reste verrouillée. Ce dernier refuse de négocier tandis que la répression s’intensifie. Récemment, ce sont les journalistes indépendants qui en ont particulièrement souffert. Comme le précise la Belarusian Association of Journalists, en 2020 «les journalistes indépendants ont été arrêtés à 470 reprises, 97 ont fait l’objet d’arrestations administratives, 50 sites Web de médias ont été bloqués et 15 journalistes font actuellement l’objet de fausses accusations pénales». Jeanne Cavelier, responsable du bureau Europe de l’Est et Asie centrale de Reporters Sans Frontières rapporte que depuis la réélection de Loukachenko, «nous avons comptabilisé plus de 480 cas graves de violation de la liberté de la presse, dont près de 400 arrestations de journalistes»

Si la presse internationale évoque presque uniquement les partisans de l’opposition, le président Loukachenko est pour autant soutenu par une certaine base électorale. La capitale a vu se produire en fin d’année 2020 des manifestations pro-Loukachenko, bien qu’organisées par l’Etat. Sur les images, on observe des personnes plus âgées que pour les mouvements anti- Loukachenko. Dans ces rassemblements, ses soutiens évoquent la stabilité qu’il apporte au pays, «Je veux vivre en paix comme avant. Notre président y veille très bien.», ou encore la situation de l’Etat ukrainien : «On n’a pas envie d’une révolution comme en Ukraine.»

Face à ce contexte incertain, nous encourageons fortement l’Union Européenne à apporter son plein soutien au peuple biélorusse et à sa jeunesse. Au vu des circonstances floues dans lesquelles se sont déroulés les votes, de la répression avérée, nous comprenons l’application de sanctions de la part des pays européens. Nous sommes également convaincus du rôle clé que la Russie doit jouer dans la négociation entre les deux camps et en appelons dès lors à une effective et sincère coopération russo-européenne sur le sujet. Sans cette dernière, il est probable qu’aucun compromis ne puisse être trouvé et que la répression s’aggrave pour les civils biélorusses. Dans cet éventuel cas, nul doute du lourd tribut que paierait la jeunesse, si ce n’est le plus grave. 

Benjamin TOUSSAINT