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Intervention de M. Gabriel MVOGO au Collège d’Europe – Natolin en Pologne.

Thème : “Migration en Afrique et depuis l’Afrique – l’impact du changement climatique”.

Mesdames et Messieurs.

Permettez-moi avant tout, de remercier le Collège d’Europe de Natolin pour son invitation à venir ici, dans ce lieu prestigieux pour partager avec vous, ma modeste contribution sur le débat de l’immigration climatique des populations africaines. Je voudrais particulièrement adresser mes remerciements à Madame la Rectrice du Collège d’Europe, Madame Ewa OŚNIECKATAMECKA

Je remercie également L’Académie Natolin des Migrations. Je salue les différents référents qui ont travaillé à la coordination de ma venue ici en Pologne, je pense notamment au Dr Patrycja SASNAL, au Dr Barbara BOBROWICZ , au Dr Amel HAMMAMI à Madame Dorota WRONKOWSKA , à Monsieur Álvaro GARROTE FUENTES , à Madame Anunita Chandrasekar , Monsieur David Antoni  et à tous ceux et celles que je n’ai pas cité ici. 

Je suis particulièrement très heureux de m’adresser à vous aujourd’hui, aux différents corps administratifs, enseignants et étudiant du Collège d’Europe.

En cette fin d’année, Je voudrais, par votre intermédiaire, espérer le meilleur pour tous les hommes et les femmes qui composent le flambeau de la réussite de cet établissement, ainsi que pour leurs familles et leurs proches.

Mesdames et Messieurs,

En ce moment précis, Je ne peux m’empêcher d’avoir une pensée particulière, chargée d’émotion et d’affection pour toutes ces familles en Afrique, qui vivent dans la pauvreté et la misère. Ces familles qui, du fait du changement climatique et des mauvaises politiques menés par leurs Etats, souffrent de famine. Je pense également à ceux et celles qui perdent leur dignité faute de ne pouvoir subvenir aux besoins élémentaires de leur familles. Enfin, j’ai une profonde pensée pour tous ces jeunes qui quittent leurs familles, leur pays et qui sont guidées par l’espoir d’une vie meilleur ailleurs mais malheureusement, trouvent la mort dans la traversée du désert ou dans la traversée de la mer.

Mesdames et Monsieur les responsables du Collège d’Europe, Exceptionnel étudiants du Collège d’Europe, le changement climatique n’est pas une utopie, c’est une réalité. Il est une réalité qui tue lentement des milliers de personnes à travers le monde et particulièrement en Afrique.

Pour aborder sereinement la thématique de la Migration en Afrique et depuis l’Afrique en mesurant l’impact du changement climatique sur les habitudes migratoires des populations africaine, il est d’abord important de revisiter et de comprendre l’histoire du développement de l’Afrique depuis l’époque coloniale.

” Je vous rassure tout de suite, ce ne sera pas un cours magistral, mais un exposé de la situation réelle qui nous permettra de trouver ensemble des pistes de recommandations à ce problème qui peine à être internationalement reconnu. “

Intervention de M. Gabriel MVOGO, Président des JEUNES UE-UA – Collège d’Europe Natolin – Pologne

INTRODUCTION

L’Afrique a toujours été caractérisée par des niveaux élevés de mobilité intra et extracontinentale. Avec une analyse bien approfondit, on peut affirmer que le phénomène migratoire africain est bien antérieur à la configuration actuelle des frontières établie à l’époque coloniale.

Après les luttes d’indépendances et l’obtention de celles-ci dans les années 1960 – 80, l’on a vu une croissance des classes sociales, des populations autrefois sous tutelles coloniales. Les nouvelles débouchées économiques ont permis à plusieurs pays africains de créer des emplois. Les capitales coloniales devenus les capitales nationales représentaient une attractivité en termes d’emploi. (Puisqu’il fallait bâtir des infrastructures). Ce fait à conduit à la première grande migration de masse, des populations qui partaient des campagnes et des villages pour venir s’installer dans les grandes villes africaines (Nous sommes là dans les années 1980 -90). Loin des clichés d’aujourd’hui, ce phénomène s’appelait l’exode rurale. L’Afrique comptais alors 640 millions d’habitants sur une superficie de 30,37 millions km².

Grace au développement économique et à l’ouverture des marchés internationaux à la fin du 20ème et au début du 21ème siècle, ce qui était encore perçu comme l’exode rurale s’est muté en migration (émigration et immigration). Les successives crises économiques et les mauvaises politiques de planification à la fois : familiales ; économiques ; agricoles et environnementales ont fait naitre un désespoir auprès des jeunes. Ce désespoir s’est aussi emparé des populations rurales dont la majorité vit des ressources agricoles ou maritimes.

C’est dans ce contexte déjà très tendu socialement que, depuis 2008, on observe un nouveau challenge, celui du changement climatique couplé au chalenge sécuritaire qu’est le terrorisme internationale et interne.

Ces deux challenges sont venus bousculer les habitudes des populations qui vivaient déjà dans une extrême précarité. Notre exposé portera donc sur l’impact du changement climatique sur les habitudes migratoires des personnes en Afrique. 

  • CHANGEMENT CLIMATIQUE : DES MIGRATIONS INTRA-AFRICAINS

Le changement climatique impacte déjà les sociétés africaines, mais il est peu probable qu’il entraine une hausse massive des migrations vers les continents voisins. Les contraintes financières et les coûts migratoires sont tels qu’il devrait surtout amplifier les migrations internes et intrarégionales.

Le changement climatique tel que vécu actuellement, affecte l’ensemble des économies, et particulièrement celles des pays en développement. La hausse des températures et les modifications des régimes de précipitations, tout comme l’augmentation de l’intensité ou de la fréquence d’évènements climatiques extrêmes, détériorent les conditions de vie et les perspectives des populations africaines.

Ces dernières peuvent ainsi être encouragées à émigrer, suscitant de nombreuses craintes dans les nouvelles régions où elles s’installent. Or, si les liens entre climat et migrations peuvent paraitre particulièrement forts en Afrique, la hausse des flux migratoires concerne avant tout les pays de départ eux-mêmes ainsi que les pays d’arrivés qui sont en majorité africains.

Une dynamique migratoire renforcée en Afrique.

Qu’elles résultent d’un calcul « coût – avantage » ou plutôt d’une stratégie de diversification des risques, les migrations volontaires sont susceptibles d’être influencées par le changement climatique.

En effet, l’Afrique fait face à une intensification des tensions ethniques et religieuses qui alimentent les flux migratoires, dans un contexte de forte croissance démographique (soit environ 1,4 milliards d’habitants en 2020) faisant ainsi pression sur le foncier et le tissu social.

Le changement climatique accroit ces tensions sociales y compris les conflits, en augmentant davantage la pression sur les terres fertiles.

Ainsi, la coopération traditionnelle entre agriculteurs et éleveurs transhumants en Afrique, est affectée par les épisodes instables de sécheresses.  De même que, les hausses des prix des denrées alimentaires sur les marchés mondiaux avec qui en découlent certains conflits sur le continent (Exemple des conséquences de la guerre en Russo-Ukrainienne, dont une grande partie du continent africain dépend à la fois du blé ukrainien et des engrais russes).

Les faiblesses juridiques et institutionnelles, en particulier celles concernant les droits de propriété et les mécanismes de résolution des différends fonciers ou sociaux, renforcent le lien Climat – Conflit – Migration.

Selon le rapport sur la part de l’emploi agricole en Afrique, corédigé par l’Organisation Internationale du Travail (OIT) et l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO), paru en 2021, la pauvreté et les niveaux élevés d’inégalités en Afrique constituent un autre facteur poussant à la migration. En dépit des progrès importants, y compris au Sahel, le contexte socioéconomique du continent rend plus difficile qu’ailleurs, l’adoption et la mise en œuvre de politiques d’adaptation au changement climatique. Le revenu par habitant de l’Afrique subsaharienne demeure le plus faible au monde, le taux de pauvreté est très élevé et les filets sociaux formels ne couvrent que 10 % de la population.

Il ressort donc que, le continent africain est particulièrement vulnérable au changement climatique du fait de la structure de son secteur productif. L’agriculture y occupe en effet, une place importante, tant en termes de valeur ajoutée qu’en terme d’emplois car, celle-ci demeure fortement dépendante du climat.

En outre, l’irrigation, facteur de résilience du secteur agricole face aux chocs climatiques, est très peu développée en dehors de l’Afrique du Nord. Les effets substantiels du changement climatique sur la productivité agricole se traduisent ainsi par des pertes de revenus importantes, d’autant plus que l’Afrique est le continent où les températures moyennes sont les plus élevées. De ce fait, le changement climatique pousse des millions d’africains (majoritairement du monde rural et agricole) à l’émigration en modifiant les perspectives individuelles des concernés. Le changement climatique impacte donc les flux migratoires intra africains. Celui-ci se fait à travers différents canaux, dont les conséquences pourraient amplifiées la fragilité des différentes structures des économies africaines.

Dans un rapport publié en début d’année 2022, la Maison Blanche soulignait déjà l’importance de comprendre les facteurs qui accentuent ou atténuent, l’effet du réchauffement climatique sur les flux migratoires en Afrique.

En effet dans ce rapport, la maison Blanche explique que, la hausse des migrations des africains est surtout interne et intrarégionale.

 Un faible niveau de revenu constitue à la fois, une incitation et une barrière à l’émigration, qui est renforcée par l’effet néfaste du réchauffement climatique.

Mais inversement, ce faible niveau de vie qui est de plus en plus fragilisé par les effets du réchauffement climatique, ouvre une voie plus dangereuse, celle de l’enrôlement des populations désœuvrés et vulnérable à la merci des bandes armées et des groupes terroristes (dont les dirigeants ne reconnaissent pas les frontières internationales.).

  • CHANGEMENT CLIMATIQUE : DES MIGRATIONS EXTRA-AFRICAINS

Dans son rapport intitulé « Changement climatique 2022 : impacts, adaptation et vulnérabilité », le groupe de travail II du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) indique que c’est l’association des effets du changement climatique et d’une mauvaise gouvernance qui provoque un exode rural, dont l’absence des débouchés dans les grandes villes conduisent inéluctablement à l’immigration internationale.

Les migrations de l’Afrique vers l’extérieurs du fait du changement climatique se concentre exclusivement vers les deux grandes zones voisines du continent Africain à savoir : Le Moyen Orient et la méditerranée, dont l’Europe constitue un terminus privilégié de ces migrants.

Le Regard de l’Europe sur l’immigration climatique.

« Réfugiés climatiques », « réfugiés environnementaux », des notions quasiment absentes du droit international : Car le statut de “réfugié” est établi en 1951 par la Convention de Genève et ne comprend pas les migrations climatiques.

Selon cette convention de Genève (28 juillet 1951), un réfugié est celui qui craint d’être persécuté s’il retourne dans son pays “du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité́, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques”.

Parmi les causes de persécutions, on constate alors, l’absence de mention du climat. Cela s’explique en partie par le fait qu’il s’agit davantage de migrations internes et que pour certains, le terme de “persécution” est impropre pour parler du climat.

La notion juridique européenne du statut de migrant climatique.

Selon le rapport rédigé par le Département thématique des droits des citoyens et des affaires constitutionnelles du Parlement Européen, L’Union européenne (UE) et ses États membres jouent un rôle actif dans la promotion de la protection de l’environnement auprès les instances internationales. Elle pèse de tout son poids dans les négociations internationales, en incluant les changements environnementaux et les migrations dans les politiques de protection civile, d’aide humanitaire et de développement.

Cependant, pour ce qui est des politiques de protection internationale, aucune initiative concrète n’a vu le jour en faveur des migrants climatiques.

Au sein de l’Union Européenne, il existe des formes de protection complémentaires, découlant de la directive relative aux conditions que doivent remplir les demandeurs d’asile et de la directive relative à la protection temporaire. Ces formes de protections temporaires devraient s’appliquer également sur le principe de non-refoulement prévu dans la directive retour, qui peuvent offrir d’autres options de protection. (Notamment l’asile climatique). 

Dans l’Union Européenne au niveau national, seules la Suède et la Finlande prévoient explicitement dans leur législation nationale, la protection des personnes touchées par les changements environnementaux et les catastrophes naturelles. Toutefois, ces dispositions ont été suspendues à la suite des événements qui ont eu lieu en 2015 et 2016 (Flux massif des migrants).

En attendant, les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme et de la Cour de justice de l’Union européenne sur les migrants malades sont des exemples de la manière dont ces juridictions peuvent évaluer les demandes liées à des causes environnementales.

Des raisons socio-économiques, dans le contexte plus large des articles 2 et 3 de la Convention européenne des droits de l’homme, pourraient fournir une base pour la protection de ces personnes. Toutefois, dans une décision notable récente, le Comité des droits de l’homme des Nations unies a déclaré que l’inaction face au réchauffement climatique peut entraîner des violations des droits de l’homme, créant ainsi une obligation de non-refoulement.

Quelques références des prises de conscience de la communauté internationale :

  • 1985 : Première apparition du terme de « réfugiés environnemental » dans un rapport du programme des Nations unies pour l’environnement.
  • 2009 : La COP15 en fait pour la première fois une question au niveau politique.
  • Depuis 2009 : De nombreux pays africains ont ratifié la Convention de Kampala sur l’assistance des déplacés environnementaux à l’intérieur du continent africain.
  • 2015 : L’accord de Paris crée un groupe de travail sur la question dont les conclusions ont été transposées dans l’accord de Katowice.
  • 2018 : Le pacte migratoire de Marrakech mentionne (pour la première fois) le changement climatique parmi les causes de départs forcés. Pour autant ce pacte n’impose aucune contrainte aux états sur ce sujet.

Dans un contexte d’affrontement d’opinion entre les différentes sensibilités politique en Europe, ces accords, pactes et traités sont souvent critiqués à cause du manque d’actions concrètes qui suivent leur signature ou une dénonciation de complaisance en faveur de l’immigration (pourtant il n’en est rien).

Quelles actions des Nations Unies pour la reconnaissance du migrant climatique.

Avec un budget alloué et oscillant ces dernières années entre 5 et un peu plus de 7 millions de dollars, le Haut-commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés ne peut pas agir directement sur les migrants climatiques, puisque ceux-ci ne rentrent pas officiellement dans la catégorie des réfugiés.

Il faudra donc mobiliser des ressources supplémentaires pour donner au Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés les moyens de faire face aux différents flux migratoires climatique et à une réorganisation de l’intégration des migrants climatiques dans les territoires d’accueil. (Par exemple, des moyens de faire face à des situations graves et prendre des mesures pour assimiler les migrants à la population locale).

Les occidentaux avec à la tête l’Europe, disposent suffisamment de ressources politiques et financières pour parvenir à la reconnaissance du refugiées climatique. Les seuls défauts constatés dans leur gestion, est le manque de volonté politique et l’absence d’une politique d’intégration commune qui donneraient une chance aux migrants climatiques d’être une aubaine plutôt qu’une menace pour les populations européennes en particulier.  Car en Europe, la notion de migrant fait figure de dégradation et selon l’origine du migrant, cette notion est caractérisée par un rejet alimenté par les politiques ultra conservatrices.

CONCLUSION

Si aujourd’hui la migration africaine se fait en majorité sur le continent de l’avenir (Afrique), la détérioration de la situation financière des populations par le changement climatique est susceptible d’accentuer cette tendance.

En contraignant le champ des possibles, elle favorise les destinations les plus facilement accessibles et non celles où les opportunités économiques sont les plus grandes. La réallocation du capital humain qui en résulte a donc peu de chances d’être optimale et pourrait même créer des tensions significatives dans des zones où les ressources et les emplois sont déjà limités.

Le changement climatique et la hausse de la fréquence et de l’intensité des désastres naturels risquent d’augmenter les migrations « forcées » internes ou internationales. En effet, face au changement climatique, l’émigration apparait parfois moins comme la résultante d’un choix mûrement réfléchi que comme une impulsion de survie ou une solution de derniers recours. Si le statut de « réfugié climatique » n’est toujours pas reconnu aujourd’hui par la Convention de Genève de 1951, les Nations Unies, le Comité des droits de l’homme a admis début 2020 que le principe de non-refoulement devrait s’appliquer aux individus fuyant leur pays en raison du réchauffement climatique si leurs droits fondamentaux sont menacés.

Quelques indications sur la COP 27 qui s’est tenue en Egypte du 6 au 18 novembre 2022.

Selon le rapport mondial de l’Observatoire des déplacements internes, les catastrophes naturels ont entraîné à elles seules, 23,7 millions de déplacements internes en 2021. Et sans action climatique, le rapport Groundswell 2021, prévoit que ce nombre pourrait s’accroitre jusqu’à 216 millions de personnes dans les six régions du monde d’ici à 2050. L’Afrique d’ici 2050, représenterai les deux régions qui suivent :

  • L’Afrique subsaharienne avec 86 millions de migrants climatiques internes ;
  • L’Afrique du Nord avec 19 millions de migrants climatiques internes ;

Référence de ces indications : LA NON-MIGRATION DE L’OIM :

Je vous remercie pour votre attention.

Gabriel MVOGO SAINT

Président de l’Organisation des Jeunes Pour l’Union Européenne et Africaine.