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Les Opérations Serval et Barkhane et l’implication française dans la lutte contre le djihadisme au Sahel

Présentation des opérations Serval et Barkhane

En janvier 2013, suite à une offensive menée par des groupes djihadistes et indépendantistes touareg dans les villes de Ségou et Mopti, François Hollande annonce l’intervention de l’armée française au Mali. Cette opération, initialement nommée ‘Opération Serval’, avait pour objectif de soutenir l’armée malienne dans la lutte contre les groupes armés terroristes (GAT), particulièrement ancrés dans le Nord du pays. En un mois, les quatre villes de Gao, Tombouctou, Kidal, Tessalit furent reprises aux terroristes, mais la présence djihadiste reste prédominante dans les zones rurales et plus isolées de la région.

Le 1er août 2014, ‘l’Opération Serval’ est remplacée par ‘l’Opération Barkhane’ qui marque un changement de stratégie des armées française et malienne, craignant un effet domino sur les pays limitrophes. En effet, l’Opération Barkhane s’inscrit dans une démarche régionale et vise à endiguer la menace terroriste dans les cinq États du Sahel, à savoir la Mauritanie, le Mali, le Burkina Faso, le Niger et le Tchad. Au total, plus de 5000 soldats français ont été déployés sur le territoire afin de sécuriser la zone sahélienne aux côtés des forces armées du G5 Sahel. Au fil des années, cette opération a permis d’identifier et de neutraliser des milliers de djihadistes, tel que le chef d’AQMI (la filiale d’Al-Qaïda au Maghreb Islamique) qui fut tué par un commando des forces spéciales françaises en juin 2011. D’autre part, l’opération Barkhane visait à apporter un soutien aux populations locales notamment à travers le partage de savoirs médicaux.

Débat et polémiques

Cependant, l’intervention de l’armée française fut progressivement remise en cause. Après huit ans de présence sur le territoire, un sentiment de rejet s’est progressivement formé au sein d’une partie de la population locale qui se questionnait sur la soi-disant nécessité de prolonger l’Opération Barkhane. Des débats ont ainsi émergé au sein des populations sahéliennes quant à la nature et aux réelles motivations de cette dernière.

L’existence d’uranium et de pétrole dans la région semble par exemple être l’un des arguments phares des revendications anti-françaises, un argument qui est régulièrement utilisé comme un outil de propagande par les groupes djihadistes.

L’Opération Barkhane aurait été mise en place dans une logique économique pour préserver le contrôle sur les ressources naturelles et garder une mainmise sur leur exploitation. D’autre part, certains Maliens ont revendiqué l’autonomie des forces nationales, perçues comme essentielles à la souveraineté et à l’indépendance de leur pays. En effet, bien qu’à l’origine l’Opération Serval avait pour but de lutter contre le terrorisme, au fur et à mesure l’armée française s’est vu endosser le rôle de défenseur de l’intégrité territoriale du pays, ou en d’autres termes, une des missions régaliennes de l’Etat malien. Ce transfert de compétences s’est effectué alors même que l’Opération Barkhane comprenait, en son sein, des programmes d’entrainement inter-armées dont le but était de permettre aux forces maliennes d’assurer ces missions sur leur propre territoire. Ces nombreuses polémiques ont finalement mené les Français à repenser leur stratégie militaire dans cette région.

Une réorganisation de l’Opération Barkhane

Le 9 juillet 2021, lors d’une visioconférence en présence des autres parties du G5 Sahel, Emmanuel Macron est venu énoncer les grandes lignes du retrait des soldats français présents au Sahel dans le contexte de l’Opération Barkhane. Ce plan vient pleinement réorganiser ladite opération, et devrait débuter très prochainement selon le chef d’État. En effet, Emmanuel Macron a précisé que seraient fermées diverses bases au sein de ces pays, notamment au nord du Mali, pour que les forces militaires se concentrent davantage sur une zone importante en vue d’enrayer la progression des troupes djihadistes vers le Sud du pays. En cela, Emmanuel Macron souhaite que l’attention se porte sur une région qui suscite davantage d’intérêts économiques, à savoir la zone des « trois frontières », située entre le Mali, le Niger et le Burkina Faso. D’une certaine mesure, il semblerait que le Président de la République espère que le retrait des troupes françaises au Nord du Mali permette une pacification, par ses propres moyens, de l’Etat malien, et une sortie de la crise qui saisit le pays . Cela répond donc à la demande d’autonomie des forces locales dans la gestion de leur territoire face aux menaces djihadistes et indépendantistes.

De plus, depuis son élection en mai 2017, Emmanuel Macron s’est efforcé de trouver une réponse internationale à la présente crise au Sahel. En effet, sur le plan militaire, ce dernier a réussi à susciter un apport militaire aux différentes forces en présence du G5 Sahel, à travers divers sommets. Dans le même rang, Emmanuel Macron a lancé la Task Force « Takuba » en 2018 en vue d’impliquer davantage d’alliés européens dans la région. Néanmoins, malgré cette volonté, il semblerait que ce désengagement des forces françaises puisse entraîner un « vide », car ni les forces de « Takuba », ni les armées locales et puissances en présence ne peuvent venir prendre pleinement le relais des forces françaises. En cela, il semblerait que cette décision de la France dans sa politique extérieure soit un défi pour les Européens, tout comme pour les pays du G5 Sahel qui semblent être poussés à accélérer le processus de réforme afin de traiter de manière interne le djihadisme dans cette région.

Toutefois, au-delà d’un retrait des troupes françaises, il faudrait davantage entrevoir ici une évolution de l’opération visant à éliminer le djihadisme dans la région. En effet, la France reste malgré tout présente, le pays misant particulièrement sur le commandement de la force opérationnelle de l’Union Européenne Takuba, réunissant six cents hommes au Mali aujourd’hui, dont la moitié sont français. Cette opération européenne ayant notamment pour objectifs de conseiller, assister et former les forces armées maliennes dans leur combat, comprend des soldats de divers États membres de l’UE : la Belgique, l’Estonie, l’Italie, les Pays-Bas, la République Tchèque, le Portugal, la Suède ou encore la France. De son côté, la Roumanie a décidé de rejoindre l’opération en juin 2021, tout comme le Danemark qui s’est d’ores et déjà prononcé pour l’année prochaine. Par cette nouvelle opération, si la France tend à impliquer davantage les autres pays européens dans la lutte contre les forces djihadistes au Sahel, le Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Josep Borrell, a également rappelé que les priorités de l’Union restent d’assurer la stabilité, la sécurité et le développement de la région.

Cet article a été rédigé conjointement par deux membres de l’OJUEA, Mathis ROEKHOUT et Luna VITAL-DURAND, tous deux chargés des relations avec les institutions françaises.