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Pas de temps à perdre pour Ngozi Okonjo-Iweala

Ngozi Okonjo-Iweala, vient de prendre la tête de l’OMC lundi 1e Mars. À peine assise, la Nigériane se plonge dans le défi de relever une institution déjà en crise.

Ngozi Okonjo-Iweala, première femme directrice générale de l’OMC ©senenews.com

Mme Ngozi Okonjo-Iweala est depuis le premier mars 2021, la première femme et Africaine à diriger l’organisation mondiale du commerce. L’OJUEA félicite Mme Ngozi et se réjouit de cette nomination sans précédent dans les 73 ans d’existence de l’OMC. Cela révèle au grand public que le continent Africain est une pièce essentielle dans le puzzle économique et multilatéral que représente l’OMC.

À peine arrivée au siège de l’institution, sur les berges du lac Léman (Suisse), la Nigériane n’a pas perdu du temps. Accompagnée de l’ambassadeur colombien Santiago Wills, président des négociations sur les subventions à la pêche, Ngozi Okonjo-Iweala a inauguré une sculpture sur glace représentant des poissons, installée par des ONG. La « dame de fer » a poursuivi sa première journée de mandat en appelant les nations à débloquer les négociations sur les aides à la pêche. « Nous avons vraiment le sentiment que la surpêche, la surcapacité et la pêche illégale sont des facteurs qui nuisent à la durabilité », a-t-elle déclaré, en convoitant d’achever les négociations « le plus rapidement possible ».

Ainsi, c’est avec le plein de confiance que la nouvelle directrice est rentrée en fonction et saura mettre sa passion et son énergie réformatrice au service du bien commun afin de retrouver une économie mondiale prospère et de redynamiser le niveau de vie des citoyens par la création de nouveaux emplois et revenus.

Notre organisation se joint sans retenue à cette nomination qui émane d’un consensus indiscutable au sein du conseil général de l’OMC. En effet, l’ancienne administration Trump – Biden des États-Unis était le seul membre à s’opposer à cette nomination en soutenant alors la candidature sud – coréenne. Cependant, la nouvelle administration Biden – Harris qui   a marqué le retour des États-Unis dans le commerce mondial en réintégrant l’OMC et a soutenu très rapidement la candidature de Mme Ngozi Okonjo.

Le rôle qu’on attend d’elle

Cette prise de fonction intervient dans le contexte de la crise sanitaire creusant des écarts économiques entre les pays économiquement développés et des pays émergents. Mme Ngozi a précisé lors de son discours de nomination dont l’intégralité se trouve ici que l’un des premiers jalons de son mandat consistera à travailler conjointement avec l’OMC pour lutter contre le Covid-19 en soutenant par exemple l’exécution de l’ambitieux programme « Covax » dont l’objectif est de produire 1 milliard de vaccins contre le Covid-19. Par conséquent, l’OMC devrait encourager certains membres à sortir du protectionnisme économique et faciliter les importations/exportations des vaccins ou traitements contre le Covid-19. Le sujet sera débattu dans les prochains jours à Genève, mais aucune décision n’est encore attendue en l’absence de consensus.

La pandémie du Covid-19 a mis en exergue une nouvelle dynamique du commerce mondial en accélérant les échanges commerciaux électroniques (e-commerces) entre les entreprises et les consommateurs. Ce nouveau virage commercial n’a pas été malheureusement abordé par tous les membres de l’OMC. Il est indispensable, et Mme Ngozi le mentionne dans son discours de nomination, que les membres de l’OMC présentant un retard technologique lié au numérique puissent être accompagnés dans ce le développement du numérique.

L’accélération du e-commerce est arrivée pendant que près de la moitié de la population mondiale était sous le régime de confinement total ou partiel. Ce confinement a entraîné la faillite de plusieurs entreprises dans des secteurs variés. Le monde a ainsi connu un crash économique d’une ampleur plus importante que la crise économique de 2008. Beaucoup de gens, tous continents confondus, ont connu une baisse de revenu, voire une perte d’emploi, et en somme, sont moins heureux. Il est donc du devoir du nouveau directeur de redonner la joie de vivre aux gens à travers l’OMC conformément aux objectifs de l’OMC mentionnés dans le préambule de l’accord de Marrakech de 1994.

Préambule de l’accord de Marrakech : 

Le préambule de l’Accord de Marrakech dispose que les objectifs de l’OMC sont « […] le relèvement des niveaux de vie, la réalisation du plein emploi et la hausse des revenus, l’accroissement de la production et du commerce de marchandises et de services et la recherche de l’utilisation optimale des ressources mondiales conformément à l’objectif du développement durable […] ». 

Ce défi de taille n’est qu’une des facettes du travail auquel la nouvelle dirigeante va devoir s’attaquer. Plusieurs dossiers guettent la soixantenaire, comme remédier aux Conférences ministérielles, l’organe de décision suprême de l’OMC, en arrêt depuis 2017. Avec la prochaine date du 29 novembre à Genève, elle espère restaurer la confiance entre les états membres. En effet, des tensions commerciales divisent les états ; en 2019 les États-Unis accusaient la Chine d’usurper de son statut de pays en développement pour en tirer des avantages économiques. Un rétablissement de l’ORD (Organe de règlement des différends), bloqué depuis décembre 2019 par l’administration Trump, pourrait également se faire. Ex-ministre des Finances, ancienne vice-présidente de la Banque Mondiale et économiste du développement des finances au Nigeria ; Ngozi Okonjo-Iweala déclarait même en juillet dernier qu’il était « clair qu’un système de règles sans forum pour arbitrer efficacement des infractions perd de la crédibilité au fil du temps ».

Relancer l’OMC

Depuis sa création, l’OMC n’a jamais été aussi faible. Constituée de 164 états membres, l’OMC vise à promouvoir les échanges commerciaux en abaissant les droits de douane entre les nations. En 20 ans aucun accord majeur n’a été signé par l’organisme. Le pluralisme et le protectionnisme des pays, inaugurés par l’ère Trump, n’ont guère arrangé la situation et ont mis au point mort l’OMC. Le plus gros défi pour la diplomate nigériane sera de sortir l’OMC de sa crise. Ngozi Okonjo-Iweala ambitionne déjà une organisation « plus forte, plus agile et mieux adaptée aux réalités d’aujourd’hui ». « Je pense que l’OMC est trop importante pour être ralentie, paralysée et moribonde » déclarait-elle à l’AFP, début février. Face à autant de défis, « le temps presse », avertit la nouvelle cheffe en proposant de rencontrer les délégués « individuellement et en groupe »avant la fin de cette semaine.

Le mandat renouvelable de Mme Ngozi prendra fin le 31 août 2021. L’OJUEA souhaite à la nouvelle directrice plein de succès et de réussite dans les réformes structurelles qu’elle entreprendra et les défis économiques auxquels elle sera confrontée. La place et l’énergie de la jeunesse devraient être considérées et mises à contribution pour sortir de cette crise mondiale. 

Article coécrit par Pierre Miyalou et Mislanette Miailhe