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STRAS’DAKHLA 2021: Rapport de la mission d’observation internationale au Sahara

Début novembre 2021, une quinzaine de jeunes d’Europe et d’Afrique se sont rendus dans les régions de Dakhla et Laâyoune dans le Sahara, dans le cadre d’une mission d’observation. Cette semaine sur place, ponctuée de rencontres, de visites et d’échanges a fait l’objet d’un rapport détaillé qui sera publié sur notre site internet. L’Organisation des Jeunes pour l’Union Européenne et Africaine, a l’honneur de vous partager l’avant-propos et l’introduction de ce rapport avant sa publication intégrale, le 7 mars 2022.

En ce XXIème siècle, le monde vie au rythme des multiples incertitudes sanitaires et sociales avec des profonds changements, tant environnementaux que géopolitiques. Par conséquent, il est plus que jamais nécessaire pour les jeunes de disposer des outils d’analyse, de décryptage et d’expertise de qualité s’inscrivant dans l’expérience de terrain sur des questions géopolitiques et géostratégiques.

L’idée même que des jeunes étudiants Européens et Africains, dont la moyenne d’âge est de 22 ans, eurent décidé de s’intéresser aux crises qui crispent les relations inter-États et intercontinentales de leur environnement, montre avec suffisance leur volonté de ne plus être spectateurs, mais acteurs dans un monde en pleine transformation.

Avant d’aller plus loin, mon regard rétrospectif voudrait vous rappeler que les Britanniques en 1884, ont créé le premier Think tank, la Fabian Society, suivie en 1920 du Royal Institute of International Affairs, plus connu sous le nom de Chatham House.  

Le programme pluridisciplinaire Stras’Dakhla Student s’inscrit dans cette même logique et a donc pour ambition de se positionner demain comme un terreau d’analyse autonome capable de transcender les influences médiatiques et de dépassionner des débats qui mettent en jeux plusieurs intérêts.

En alliant éducation sociale et familiale à la formation académique et semi-professionnelle, les participants du programme pluridisciplinaire Stras’Dakhla Student, ont pu, grâce à une expérience du terrain effectuée du 31 octobre au 6 novembre 2021 dans les villes de Dakhla et Laâyoune, se faire leur propre idée de la crise territoriale dans le Sahara. Cette mission de 6 jours a permis aux jeunes participants de découvrir un modèle organique et fonctionnel très pertinent, qui permet une réactivité et une cohérence dans l’exécution des programmes de développement dans ces deux villes et leurs régions.

Ainsi, vous comprendrez au fil de la lecture de ce rapport, que les jeunes participants européens et africains de ce programme pluridisciplinaire Stras’Dakhla Student, ont exprimé à la fois leurs appréhensions avant la visite sur le terrain, leurs constats et plus enrichissant encore, leurs recommandations adressées à la fois aux autorités marocaines et à tous les acteurs régionaux et internationaux qui jouent un rôle dans la pacification de cette région et donc les premiers bénéficiaires sont les populations.

À long terme, Stras’Dakhla Student devra servir d’exemple de plateforme de réflexion capable de rassembler les jeunes d’horizon divers, des penseurs et d’acteurs d’Europe et d’Afrique s’intéressant aux origines et aux sorties des crises territoriales, non pas telles que présentées dans les médias au profilage partisan, mais telles qu’existant sur le terrain, au maillage de l’histoire, de la réalité factuelle et de la volonté des populations concernées.

Pour cette première expérience d’observation internationale faite par l’Organisation des jeunes pour l’Union européenne et africaine, j’ai voulu un rapport totalement impartial dont les travaux s’appuieront exclusivement sur les faits observés et justifiés par les acteurs territoriaux des régions de Dakhla et Laâyoune. L’occasion pour moi de féliciter les 20 jeunes qui ont effectué le voyage au Sahara et qui par la suite, de près ou de loin, ont travaillé à l’élaboration de ce rapport d’observation internationale. 

J’adresse également mes vifs remerciements à l’État marocain, plus particulièrement au ministre des Affaires étrangères S.E.M. Nasser BOURRITA. J’exprime ma reconnaissance et notre gratitude à S.E.M. Driss El KAISSI, Consul Général du Royaume du Maroc à Strasbourg ainsi qu’au corps administratif de Sciences Po Strasbourg.

Gabriel MVOGO 

Président de l’Organisation des Jeunes pour l’Union Européenne et Africaine

Coordinateur général du programme Stras’Dakhla Student 2021

M. Gabriel MVOGO – Réunion de travail au conseil communal de la ville de Laayoune – Royaume du Maroc – Nov 2021

SOMMAIRE

Avant-propos

Introduction historique

Idées reçues
Constat général

PARTIE 1 L’ECONOMIE : La création d’une nouvelle dynamique de croissance

I. Attirer les capitaux étrangers

1. Créer un climat favorable aux affaires

2. Le tourisme

II. Encourager l’emploi local

1.Une politique d’emploi des talents locaux

2. Accompagner les auto-entrepreneurs

III. Un développement écologique

1. Énergies renouvelables

2. L’irrigation

3. Les stations de dessalement

IV. Des infrastructures ambitieuses

1. Transport

2. Entreprises et industries

PARTIE 2 LE SOCIAL  : La mise en place de structures adaptées en faveur d’un développement humain inclusif

I. L’éducation

1. Des instituts d’utilité locale : l’African Sustainable Agriculture Research Institute (ASARI- Institut africain de recherche sur l’agriculture durable)

2. Des instituts ambitieux et dynamiques : l’ENCG Dakhla

3. Des formations techniques d’excellence (Ecole Supérieure de Technologie de Dakhla)

II. Un ancrage social des femmes renforcé

III. Un urbanisme intelligent

PARTIE 3 LA SITUATION POLITIQUE: Une stabilité attestée dans un contexte tumultueux plus large

I. Sécuriser le Sahara

1. Le mur du Sahara

2. La coopération internationale

3. Les enjeux liés au Sahel

4. Sécurité

5. Migration 

II. Gouverner et cohabiter

1. La décentralisation

2. Le multi-confessionnalisme

3. La pluralité politique

4. Le modèle de développement par plans co-construits

III. Une situation diplomatique complexe

1. Une reconnaissance de la souveraineté marocaine

2. L’Europe en entre – deux sur la question du Sahara

3. Vers un centre de la multilatéralité ?

Conclusions du constat général

I. Nos observations

1. Sur le plan économique

2. Sur le plan social

3. Sur le plan politique

II. Nos recommandations

1. Recommandations sur le volet politique

2. Recommandations sur le plan social

Sources

Présentation délégation des jeunes UE-UA

INTRODUCTION HISTORIQUE

Au regard de la guerre d’information qui se fait autour de la marocanité du Sahara et de la crise diplomatique entre le Royaume Chérifien et l’Algérie, L’Organisation des Jeunes pour l’Union Européenne et Africaine a pris l’initiative d’en savoir un peu plus sur le différent régional sur le Sahara. Cette initiative a été saluée en août 2021 par les autorités marocaines, qui ont par la suite, marqué leur accord pour une mission d’observation dans les villes de Dakhla et Laâyoune, respectivement grandes villes du sud du pays. Pour ce faire, le programme a été baptisé STRAS’DAKHLA 2021. Ce nom évocateur vient rappeler avant tout, la volonté des JEUNES UE-UA à créer un pont entre les étudiants de Strasbourg et ceux de Dakhla et Laâyoune. Jouissant de toutes les garanties d’indépendance dans le constat final qui ressortira de cette mission d’observation, les JEUNES UE-UA ont entamé leur visite de travail le 1 novembre 2021 à Dakhla, où nous avons eu l’honneur d’être accueilli par Monsieur Lamine BENOMAR, Wali et Représentant de Sa Majesté le Roi Mohamed VI à Dakhla.

Évolution territoriale du Maroc depuis le VIIIe siècle

En propos introductifs, ce dernier s’est adressé en ces termes aux jeunes d’Europe et d’Afrique : «Chers amis, il est essentiel de connaître l’histoire, le passé, pour mieux comprendre le présent.» Les jeunes UE-UA partagent le même avis que Monsieur le Wali Lamine BENOMAR. C’est fort de cela que nous ne saurions parler de présent dans ce rapport sans un rappel préliminaire à l’histoire.

A l’extrême Nord occidental du continent africain, le Royaume du Maroc est un espace de jonction entre l’Occident et l’Orient. Pour reprendre les termes du feu le Roi Hassan II, le pays est tel un arbre enraciné en Afrique et qui respire, par ces branches, vers l’Europe. Aujourd’hui, le Maroc est l’une des plus anciennes monarchies au monde avec plus de 1200 ans d’Histoire.

Dans sa géopolitique présente, après son retour à l’Union Africaine, le Royaume du Maroc s’enracine de plus en plus dans sa profondeur africaine. Cet enracinement symbolise une forme de retour à l’histoire et à l’origine africaine du Royaume. Sa Majesté le Roi Mohammed VI l’a très bien affiché lors du 28ème sommet de l’Union Africaine (UA) à Addis-Abeba : “Il est l’heure de rentrer à la maison … Une famille que nous n’avions pas véritablement quittée ! En effet, malgré les années où nous étions absents des instances de l’Union Africaine, nos liens, jamais rompus, sont restés puissants, et les pays africains frères ont toujours pu compter sur nous”.

Pour tracer l’ancrage marocain dans le continent africain, il faut revenir à l’Histoire longue du Royaume et aux grandes dynasties qui ont régné sur la terre marocaine.

Après les Romains qui ont contrôlé toutes les rives de la Méditerranée, les arabes, après la mort du prophète Mohammed, s’installent au Maghreb, apportant avec eux la langue arabe et par-dessus tout l’Islam. Ainsi, les dynasties chérifiennes des Idrissides, des Almoravides, des Almohades, des Mérinides, des Saadiens jusqu’à actuellement des Alaouites régnèrent sur le Royaume chérifien du Maroc. Ce dernier est donc l’un des plus rares pays du monde arabo-musulman à avoir gardé sa souveraineté et son indépendance pendant plus d’un millénaire, de 789 à 1956. La parenthèse du protectorat français et espagnol ne durera qu’un demi-siècle de 1912 à 1956. La continuité de l’Etat marocain est préservée et ainsi, les liens entre le souverain et la population.  

Les Idrissides (789-974)

Dynastie Chérifienne fondatrice du premier État marocain. Les Idrissides règnent sur le Maroc de 789 à 985. Cette dynastie tient son nom d’Idriss Ier, un prince arabe issu d’Ali et Fatima, la fille du prophète Mohamed. Ce dernier se réfugie dans le Moyen Atlas. Plusieurs confédérations Amazighs se rallient à lui et le portent à leur tête en 789. Après son assassinat entre 791 et 792, son fils, Idris II, fonde la ville de Fès qui devient la capitale du Royaume en 807.   

Les Almoravides (1042-1146)

Le règne des Almoravides est reconnu comme une période de véritable essor civilisationnel et architectural du Royaume. Cette dynastie fait office de point d’ancrage pour une grande partie de l’occident musulman africain. Elle joue un grand rôle dans le commerce subsaharien et d’Afrique du Nord.

Les Almohades (1147-1232)

Issue du Haut Atlas, cette dynastie est fondée par Ibn Toumert. Avec son successeur Abd el Moumen ben Ali, les Almohades entrent en guerre contre les Almoravides. Ils règnent ensuite sur l’empire marocain pendant un demi-siècle, jusqu’à ce qu’ils soient eux-mêmes défaits face à la Reconquista du roi d’Aragon à la bataille de Las Navas de Tolosa en 1212, dans l’actuelle Espagne. Pendant ce règne, le Royaume du Maroc connaît son apogée territorial.

Les Mérinides (1258-1548)

La dynastie Mérinide est une dynastie berbère fondée par le chef berbère Abou Yahia. Ce souverain chasse les derniers Almohades et fonde la dynastie des Mérinides. Après quelques réalisations dans les domaines artistiques et culturels, les Mérinides ploient devant l’expansion portugaise. Ces derniers occupent le port de Ceuta en 1415 et commencent à s’installer sur la côte.  

Les Saadiens (1548-1660)

Au début du XVIe siècle, les Saadiens, des Berbères venus de la vallée du Draâ, fondent leur propre dynastie. Ils déclarent la Guerre sainte contre les Portugais. C’est ainsi qu’Agadir est reprise en 1541. La bataille des Trois Rois, le 4 Août 1578, acte la retraite portugaise du Maroc.

Ahmed IV el-Mansour porte la dynastie Saadienne à son apogée. Une expédition victorieuse contre l’empire africain du Songhaï, en 1591, va lui permettre d’enrichir sa capitale avec l’or soudanais.

Les Alaouites (de 1636 à nos jours)

Originaires de Tafilalet (Sud-est du Maroc), ils sont considérés comme des descendants d’Ali, gendre du prophète Mohammed. C’est l’héritier de cette dynastie, le Roi Mohammed VI, que Dieu l’assiste, qui dirige aujourd’hui le Maroc.

Le fils du fondateur, Moulay Ismaïl, contemporain de Louis XIV, déplace sa capitale à Meknès, à 60 kilomètres de Fès et non loin de l’antique Volubilis. Il repousse différentes offensives européennes et lutte contre les tribus berbères insoumises des montagnes. On lui doit l’embellissement de sa capitale et en particulier la construction de la fameuse porte monumentale Bab el Mansour, construite en 1732.

Cette brève introduction à l’Histoire du Royaume du Maroc montre deux choses importantes pour comprendre la géopolitique actuelle du pays. La première est que le Maroc est un Royaume ancien avec un peuple toujours attaché à ses souverains. Le serment d’allégeance de la Bay’a, que les Walis et gouverneurs des différentes régions du Royaume ont prêté, symbolise la fidélité et l’obéissance au Roi. 

Cette tradition est toujours pratiquée de nos jours, preuve de la continuité historique de l’Etat marocain. La deuxième conclusion est que les quatre dynasties les plus importantes dans l’Histoire du Royaume sont issues des régions du Sud : les Saadiens, les Almohades, les Almoravides et la dynastie régnante actuelle, les Alaouites.  

Cette chronologie atteste de l’enracinement profond du Maroc en Afrique depuis des siècles.

L’image du Sahara, telle que relatée dans la presse mondiale, est bien loin de la réalité que nous avons pu constater sur le terrain. En effet, notre équipe, comme plusieurs jeunes en Europe, avait des images préconçues avant cette mission à Dakhla et Laâyoune.

IDÉES REÇUES

Appréhensions géopolitiques

Nous avions certaines appréhensions concernant la sécurité de la région. La région dans laquelle nous nous trouvions est connue dans une vaste majorité de pays d’Occident sous le nom de « Sahara occidental ». Dénomination fortement polémique entre le Maroc et l’Algérie, les relations diplomatiques sont tendues depuis plusieurs années. De plus, d’après les articles que nous avions pu lire avant notre départ, nous pensions arriver dans une zone de « non-droit », dangereuse et peu habitée, car dominée par des bandes terroristes et mafieuses. Telle que nous l’imaginions, la présence des autorités marocaines sur cette région était précaire et limitée. 

Appréhensions économiques et sociales

Nous nous attendions à arriver dans une zone désertique, composée de différentes tribus nomades, aux antipodes des régions au Nord du Maroc. Nous avions l’image d’une zone évidemment rurale, mais dénuée d’infrastructures, et peu propice aux investissements et au développement. Également, le Maroc étant un pays religieux conservateur, nous nous attendions à être témoin d’une société essentiellement patriarcale.

Réalités géopolitiques

Nous avons pu constater la souveraineté effective du Royaume. Le Sahara étant considéré comme une partie intégrante du Royaume du Maroc par ce dernier, de nombreuses institutions gouvernementales y sont présentes, telles que des Ministères.

Nous avons également constaté que les villes de Dakhla et de Laâyoune n’étaient pas dangereuses. Nous avons pu nous promener dans les rues et dans les marchés sans guide ou autre accompagnateur. Certes, il y a un conflit avec le Front Polisario mais, depuis la construction du ‘Mur des Sables’ dans les années 1980, seules des escarmouches sporadiques situées à l’Est des régions surviennent. 

Réalités économiques et sociales

Nous n’avions pas du tout conscience de la modernité et de l’urbanisation de ces régions du Sud. C’est pourquoi nous avons été agréablement surpris par l’avancée technologique des infrastructures, notamment des universités.

Le Maroc investit massivement dans ces régions depuis des années pour promouvoir leur développement économique et social, preuve de son implication dans la zone. Nous avons même pu constater la mise en place d’un régime spécial pour les populations sahraouies, dont une exonération d’impôt malgré la gratuité des services publics (santé, éducation, transports). 

Enfin, la femme est au centre du foyer et de la vie sociale. Fait purement culturel, ce sont les autorités qui nous ont reçues qui ont bien insisté sur ce point. Toutefois, nous avons été témoin de leur présence dans la vie active (en tant qu’ouvrières, commerçantes, cadres, etc…)

CONSTAT GENERAL

Cette partie synthétise l’ensemble des informations qui ont été données lors des visites, des audiences et des séances de travail que les jeunes de la mission Stras’ Dakhla Student 2021 ont effectué avec les autorités économiques, sociales et politiques des régions du Sud.

L’OJUEA remarque que les régions de Dakhla-Oued-Eddahab et de Laâyoune Sakia-El Hamra représentent des zones de développement prioritaires pour le Royaume du Maroc. Le développement qui s’y préfigure est immense. Les besoins futurs engendrés par cette dynamique semblent avoir été anticipés et des solutions prévisionnelles se construisent déjà. En somme, le développement économique, social et politique est pensé comme un écosystème interdépendant, où chaque besoin a une solution anticipée.