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Rapport 1ere session des Apéros Diplomatiques avec Son Excellence Driss El Kaissi, Consul général du Royaume du Maroc

Date : Mercredi 7 avril 2021, 15h30-17h30

Lieu : Consulat du Royaume du Maroc, Strasbourg, France

C’est au Maroc, au royaume de la convivialité, qu’ont commencé les Apéros diplomatiques par les jeunes de l’Organisation des jeunes pour l’Union européenne et africaine. Son Excellence Monsieur Driss El Kaissi, Consul général du Royaume du Maroc à Strasbourg a fait l’honneur de convier la jeunesse dans la salle de réception du Consulat où l’hymne marocain a ouvert une session unique et solennelle. La vingtaine de jeunes présents, dans le respect des gestes barrières, ont été accueillis chaleureusement au « royaume aux profondes traditions, en plein pied dans la modernité et le développement économique ». 

Ainsi, cette « porte ouverte sur les profondeurs de l’Afrique », ce « pont entre l’Europe et l’Afrique » ne pouvait constituer meilleur hôte pour les Apéros diplomatiques avec, en prime, une symbolique forte pour l’OJUEA : le Royaume du Maroc est le premier pays à avoir fait confiance à l’organisation de par une volonté affirmée de soutenir la jeunesse.

En effet, comme l’a ensuite rappelé Monsieur Mvogo Saint Gabriel, Président de l’OJUEA, en ces temps de pandémie où tout est incertain, la jeunesse compte parmi les plus grandes victimes de la crise. Et ce non pas parce qu’elle va mourir, mais parce qu’elle va voir ses rêves mourir. Ainsi, le président a réitéré son appel du 7 janvier 2021 à la jeunesse à ne pas baisser les bras et à garder brûlant le flambeau de ses rêves : c’est aussi ça, lutter contre le COVID-19. 

C’est ainsi qu’au nom de l’Organisation des jeunes pour l’Union européenne et africaine, Monsieur Mvogo Gabriel a tenu à grandement remercier l’hospitalité et la compréhension de Son Excellence Monsieur El Kaissi et a souhaité transmettre ses hommages à sa Majesté le roi Mohammed VI pour son action auprès de la jeunesse, qu’elle vienne du Maroc ou du monde entier. 

Avant de démarrer le temps d’échange avec les modérateurs Ambre Kirschner, représentante de l’association Stras’diplomacy et Antoine Soulié, président du Parlement des étudiants de Strasbourg, Son Excellence a tenu à remercier l’OJUEA pour son engagement rapprochant les jeunes des institutions diplomatiques et internationales. Il s’est réjoui de rencontrer une jeunesse dynamique et pleine de rêves. 

Le temps d’échange s’est déroulé en trois parties thématiques où nos deux meneurs de dialogue ont abordé sans filtre la question de la coopération économique Europe/Afrique dans un premier temps, l’enjeu géostratégique du Sahara occidental et du rapprochement avec Israël dans un second temps et enfin, l’intégration du jeu européen dans la diplomatie marocaine à Strasbourg. 

Coopération économique Europe/Afrique 

Interrogé sur les potentiels dangers des accords de libre-échange Maroc-UE pour la zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA), SEM Driss El Kaissi a souhaité tout d’abord rappeler que l’ancrage avec l’Union européenne était un choix assumé du Maroc depuis son indépendance. Selon Son Excellence, le Maroc est un arbre qui a ses racines en Afrique, mais qui est profondément lié à l’Europe. En se positionnant comme pont intercontinental, le Maroc veut faire rayonner l’Afrique. Et aux yeux du Consul le développement est la clé qui relie tous les enjeux, qu’ils soient sociaux, migratoires, sécuritaires, économiques, etc. Ainsi, les problèmes ont des causes et conséquences complexes et les accords avec l’UE constituent un environnement favorable pour apporter des solutions. Par conséquent, ces liaisons avec l’Europe ne représentent pas un danger envers l’Afrique pour Son Excellence d’autant plus que les clauses de sauvegarde induites par les accords peuvent stopper les engagements en cas de danger. La coopération est donc définie en fonction des possibilités et intérêts de chacune des parties. 

Par la suite, SE a été à nouveau sollicité concernant sa position face à la pensée intellectuelle qui considère que les faibles activités commerciales du Maroc avec le reste de l’Afrique constituent un obstacle à une organisation économique panafricaine. En effet, les importations et exportations marocaines en Afrique ne constituent pas plus de 5% des échanges marocains. 

À cela, le Consul général du Maroc a tenu à préciser quelques raisons objectives à cette stratégie commerciale. Tout d’abord, les réseaux de fret intra-africain sont basés sur les structures du colonialisme qui n’avait pour objectif que de prendre et d’exporter. C’est donc la cause très directe de l’absence de réseaux logistiques internes au niveau africain. Il y a là un besoin d’investissement très lourd pour intensifier les échanges avec le reste de l’Afrique.

Ensuite, SE a affirmé que le Maroc n’avait pas d’intérêt à rester 100% européen dans ses relations économiques et au contraire, que le pays diversifiait ses échanges. L’Afrique est un continent très prometteur pour le futur et le Maroc l’a bien compris. Depuis trois ou quatre ans, rappelle-t-il, le discours de Sa Majesté sur cette profondeur africaine et surtout depuis le retour du Maroc dans l’Union africaine en 2017, le royaume contribue activement au développement africain puisqu’il est aujourd’hui le premier investisseur africain en Afrique de l’Ouest et le deuxième sur toute l’Afrique. En plus de l’existence unique en Afrique d’une commission ministérielle suivant tous les projets impulsés par les visites du roi en Afrique, le Maroc cultive une volonté et une demande très forte et fructueuse de coopération Sud-Sud selon monsieur le consul général. 

L’enjeu géostratégique du Sahara occidental et du rapprochement avec Israël

Ensuite, sur la question de la reconnaissance de la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental par les États-Unis fin 2020, SEM Driss El Kaissi a déclaré que cette reprise du « Sahara marocain » n’était qu’une suite logique, « une justice après la colonisation » et l’accord tripartite de 1976 avec l’Espagne, l’ancien colon. Cependant, SE a souhaité nuancer les récents propos du ministre des Affaires Etrangères marocain Nasser Bouritas qui rejetait le fait de mener des négociations avec le front Polisario. Le Consul général a affirmé que le Maroc n’a jamais voulu rompre le dialogue pour trouver un terrain d’entente. Selon lui, l’attention doit être davantage tournée vers la tension entre le Maroc et l’Algérie. Il assure cependant que le Maroc accueille avec beaucoup d’espoir le processus onusien et espère qu’un nouveau commissaire sera trouvé rapidement après le départ de Horst Köhler en 2019 pour des raisons médicales. SE a tenu à rappeler que le Maroc est donc ouvert au dialogue avec pour déclaration pivot la solution de large autonomie pour cette région proposée par le Maroc.

Sur la question de la reprise des relations avec Israël, SE considère que ce n’est qu’une continuité, un retour à une situation antérieure puisque le Maroc a toujours été ouvert au dialogue, mais aussi engagé pour la question palestinienne. Une preuve irréfutable est la signature au Maroc des premiers accords historiques de Camp David. Il assure que le Maroc n’est peut-être pas au centre de l’attention, mais garde des relations cordiales avec tout le monde, d’autant plus lorsqu’une grosse communauté de juifs marocains – 800 000 – vit en Israël. Grâce à ses bonnes relations diplomatiques, Son Excellence est convaincue que le Maroc est capable de jouer un rôle de médiateur de conflits comme ce fut le cas récemment dans les tensions entre les pays du Golfe. Enfin, le Consul général a confirmé la volonté du Maroc d’assister, de coopérer et d’aider à la résolution de la question palestinienne. 

Intégrer le jeu européen 

Pour répondre à la question de l’intensification des relations avec l’Union européenne depuis le statut avancé obtenu par le Maroc en 2018 auprès de l’UE, Son Excellence El Kaissi affirme une volonté, comme annoncée au début de la session, de jouer le pont entre l’Europe et l’Afrique. Car le Maroc et l’Afrique ont souvent souffert des clichés et de fausses informations, et ce notamment sur l’immigration. Le Maroc est à présent très fier d’être « depuis plus de vingt ans, un pays hôte », sans « vision hostile de l’immigration ».  Et si la migration africaine illégale ne représente même pas 1% des migrations illégales qui rentrent en Europe, le Consul pense que l’accent devrait plutôt être mis sur la fuite des cerveaux africains en Europe, phénomène qui ne fait jamais polémique. Mais ce processus souligne aussi l’importance pour le Maroc et l’Afrique de la question de l’éducation. Son Excellence est convaincue que l’enjeu du développement est de créer un écosystème qui permettra aux populations et aux élites de rester dans leur pays d’origine. La fuite des cerveaux peut être en grande partie limitée si l’éducation et la formation se font directement en Afrique.

Également interrogé sur les questions climatiques, enjeu phare porté par la jeunesse, SE a soutenu que l’Afrique « n’est pas prête pour le renouvelable, elle doit encore travailler sur le fossile vingt ou trente ans ». L’Afrique ne peut pas se permettre de suivre les politiques européennes climatiques pour deux raisons : la première, car l’investissement est trop lourd pour des pays en voie de développement et la seconde, car l’Afrique n’est pas responsable des dérives de la révolution industrielle occidentale d’après-guerre. Elle doit, elle aussi, avoir le droit de se développer avec le fossile.  Ainsi Son Excellence Monsieur Driss El Kaissi conclut sur ces mots : « L’Afrique doit compter sur elle-même ».

C’est ainsi que la partie conférence de nos échanges s’est terminée pour laisser place au débat, avec des questions venant de jeunes de pays africains et européens. Vous pourrez retrouver ces questions et les réponses de SEM Driss El Kaissi au sein de notre prochain rapport.