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Consultation Publique : La lutte contre la traite des êtres humains – réexamen de règles de l’UE


Propos Introductif

La traite des êtres humains est « le processus par lequel des personnes sont placées ou maintenues en situation d’exploitation[1] »

Engagés pour la promotion et le respect des Droits de l’Homme, droits naturels, fondamentaux, inaliénables et imprescriptibles ; et soucieux de leur respect au sein du territoire européen, les Jeunes pour l’Union Européenne et Africaine se sont intéressés à la consultation publique sur le réexamen des règles européennes en matière de trafic des êtres humains.  

Cette stratégie de modernisation – par rapport à la directive 2011/36/UE – propose d’ériger en infraction pénale l’utilisation de services fournis par des personnes exploitées dans le cadre de la traite des êtres humains.

  1. Eu égard aux éléments de langage utilisés par la Commission dans la stratégie

Notre organisation tient à évoquer en premier lieu l’importance du choix des mots à propos de cette stratégie. 

Dans sa rédaction, la Commission devrait opter pour une position plus ferme. Ainsi, elle ne devrait pas « inviter » les Etats Membres à agir, mais les « inciter vivement », afin d’insister sur le caractère urgent de cette problématique européenne. 

Le succès de cette stratégie pourrait en dépendre, car trop souvent, les questions sensibles ne sont pas assez soulignées par les institutions européennes, ce qui ne permet pas aux Etats membres une réelle prise de conscience. 

2. Eu égard au constat que la plupart des victimes de la traite au sein de l’Union européenne ne sont pas tous des citoyens européens 

a. Sur l’harmonisation au sein de l’Union en matière d’accueil de ressortissants sans papiers

Pour permettre la traçabilité des ressortissants arrivant sur le territoire européen, nous proposons de donner des papiers à titre indicatif aux migrants arrivant sur le continent

Pour rappel, depuis le traité d’Amsterdam, l’Union européenne a une compétence en matière d’immigration et d’asile : elle a donc le pouvoir de définir les conditions d’entrée et de séjour des immigrants légaux.

Or, il est difficile d’estimer la durée de séjour pour un individu dont le pays qu’il vient de quitter est en guerre ou en ruine. Instaurer une citoyenneté européenne extraordinaire permettrait au migrant de bénéficier des avantages liés à l’appartenance à une citoyenneté, tels l’accès aux soins, à l’éducation, à la protection, à l’emploi, à la formation, au logement plus facilement, en attendant d’être rattaché à un pays. Il serait ainsi rattaché de manière extraordinaire -et exceptionnelle- à l’Union. 

En effet, beaucoup de victimes du trafic de la traite d’êtres humains demeurent inconnues, en raison « de la nature cachée de ce crime »[2].  Il est impossible de savoir et d’avoir une estimation plus précise lorsque l’on ignore qu’une personne a disparu, de même qu’il est impossible de déterminer l’endroit où ladite personne a disparu, si cette personne n’était pas répertoriée. Il devient alors difficile, voire impossible de mener une enquête prolifique. Pendant la crise sanitaire, il est indubitable que le trafic ne s’est pas arrêté, si bien que les estimations des personnes victimes est inexact et approximatif. 

b. Sur la gestion au sein de l’UE de l’accueil des migrants

A titre préventif, l’OJUEA recommande de donner plus de moyens à l’European Asylum Support Office pour cibler les mineurs étrangers arrivant sur le territoire européen, les placer dans des structures d’accueil et mettre en place de prévention dans les pays hôtes. Également, nous préconisons la création de centres pour ces mineurs et leurs familles, pour leur permettre de rester ensemble et de ne pas créer de situations où des mineurs se retrouveraient isolés. 

Il va devenir inévitable de créer ces centres, de même que des centres de formations pour les jeunes majeurs arrivant sur le territoire afin de favoriser une insertion socio-professionnelle et prévenir qu’ils ne se retrouvent en situation de vulnérabilité. Les jeunes majeurs ne doivent pas être oubliés. 

A cet égard, nous souhaitons rappeler que la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, en vigueur depuis 2009, dispose en son article 14 le droit à l’éducation pour « toute personne ». Il n’est alors pas spécifié s’il s’agit d’un citoyen de l’Union ou nonPar conséquent, il est impératif de mettre les mineurs isolés ; ainsi que les individus présumés mineurs, dans des écoles adaptées pour éviter une abondance de vulnérabilité, et les exposer à des risques d’être des victimes de la traite.

En ce qui concerne le choix de placer des ressortissants mineurs sans-papiers, dans des établissements scolaires : nous sommes conscients de la difficulté d’évaluer l’âge d’un individu. Toutefois, en vertu de l’article précité, si un doute persiste quant à l’âge d’un ressortissant sans-papiers, il faut présumer qu’ils sont mineurs, à l’instar de la directive de 2011.

3. Eu égard sur la coordination en matière policière 

Il est nécessaire de travailler autour d’une coopération plus accrue en matière d’échanges d’informations, notamment avec les pays d’Europe de l’Est, les pays les plus touchés par le trafic. A cet effet, il faut orienter plus de fonds dans ces pays-là et proposer plus de formations pour que les autorités compétentes nationales puissent donner le jour à ces mesures. 

A ce jour, la Pologne, la Hongrie, la République Tchèque et la Slovaquie demeurent fermement opposées à l’accueil de migrants, qui restent aux frontières et sont plus vulnérables à des trafics. Si les incitations financières ne sont pas suffisantes, il faut montrer des feuilles de route détaillant les moyens à mettre en œuvre pour accueillir les migrants vulnérables. De même, des statistiques peuvent être envisagées, car il ne fait aucun doute que l’arrivée de nouvelles personnes dans les Etats inciterait à la création de nouvelles structures, à plus d’investissements publics pour relancer la croissance. 

Également, ces recommandations préconisées par l’Organisation des Jeunes pour l’Union Européenne et africaine font écho aux récentes observations et demandes du Haut-Commissariat aux Réfugiés, qui exhortent la France et la République Tchèque, en leur qualité de Présidente et future Présidente du Conseil de l’Union Européenne, de « réaliser des progrès sur des questions clés telles que la solidarité intra-UE et des conditions d’accueil adéquates »[3], afin de déterminer les personnes visées par une protection internationale 

a. Sur la formation des autorités compétentes 

Prônant des méthodes vertueuses, nous souhaitons évoquer la solution de la justice restaurative. La justice restaurative, qui peut se définir comme une justice relationnelle, vise à instituer un dialogue entre victimes et auteurs d’infractions. Ce dialogue permet ensuite de rétablir un lien social pour l’auteur d’une infraction, dans le but de sa réinsertion au sein de la société. C’est une pratique complémentaire au traitement pénal classique de l’infraction. 

Dans le cas présent, il pourrait être pertinent de confronter des victimes directes de la traite ou indirecte (leur famille) à des trafiquants. Pour ce faire, des moyens pourraient être donnés à Europol en la matière, de formation des magistrats et forces de police d’une part, et d’autre part, pour financer de telles initiatives dans les pays membres. De cette manière, une coopération de la part des trafiquants pourrait être espérée.

4. Eu égard au constat qu’Internet devient une plateforme de plus en plus utilisée et performante pour les trafiquants 

a. Sur la coordination au sein de l’UE concernant les risques liés à interne

Une pléthore des victimes de trafics sont des mineurs. La plupart de ces mineurs se retrouvent en majorité d’abord dans une situation précaire familiale, en quête d’attention ou en quête d’argent. Nombre d’entre elles se retrouvent sur sites de prostitution bien souvent par l’intermédiaire des réseaux sociaux. Également, nombre de personnes, majeures, peuvent en être victimes lorsqu’elles se retrouvent sur des sites de demandes d’emplois, qui ne sont qu’en réalité que des « sites-écrans » pour masquer la vraie nature de l’activité. 

b. Sur l’aspect préventif

Afin de prévenir que les personnes vulnérables ne se retrouvent sous l’emprise d’individus mal intentionnés, il faudrait instaurer des contrôles plus stricts sur internet. Beaucoup du trafic s’opère par exemple, pour les sites de demandeurs d’emplois, les façades étant de plus en plus travaillées, et notamment sur des métiers dits « précaires » : bâtiment, blanchisserie, restauration etc… Nous pourrions envisager la création d’un logo qui atteste de la sécurité et de la fiabilité d’un site, ou alors, lors de la création d’un site internet concernant des offres d’emplois, avoir une condition « accrédité par l’Union Européenne », ce sans quoi le site ne pourrait voir le jour (contrôles sur la licité de l’activité, les contrats obtenus). Ce contrôle peut être fait pas des instances nationales, accréditées par l’Union. Ces instances doivent être créées, et des formations doivent être proposées en conséquence.

Également, pour renforcer cette sécurité, des campagnes d’informations et de prévention sur les réseaux peuvent être envisagées, surtout concernant les jeunes : Facebook, WhatsApp, Tiktok, Snapchat, Telegram sont des plateformes très utilisées, donc des messages de prévention plus fréquents pourrait dissuader les potentielles victimes. De plus, l’Union Européenne pourrait faire appel aux GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft), pour clore les comptes qui proposent des services douteux. 

c. Sur l’aspect répressif 

Nous préconisons en premier lieu la mise en infraction pénale de la « mendicité forcée » sur les mineurs, et prévoir plus de fonds pour soutenir la création de structures d’accueil et les associations qui travaillent. 

Nous encourageons la mise en place de formations spécifiques pour les magistrats, les forces de l’ordre et surtout, aux associations spécialisées dans l’aide aux victimes de la traite des êtres humains. 

Par ailleurs, au sein de l’Union, seulement 5 pays pénalisent l’achat de services sexuels (Suède, Finlande, Angleterre, France, Irlande), mais les moyens mis en œuvre ne sont pas toujours les plus efficaces. Par exemple en France, le fait de recourir aux services d’une personne majeure qui se prostitue est puni de 1500€ d’amende la première fois, et en cas de récidive, 3750€[4], tandis qu’en Suède, l’amende est proportionnelle aux revenus[5], ce qui peut être plus dissuasif pour les personnes à haut revenus.  

En outre, la controverse peut se constater en observant certains pays européens qui acceptent les maisons closes (Espagne, Belgique), d’autres ou la prostitution est légale et non régulée (Europe du Sud, Europe de l’Est, Belgique) et enfin, les pays où elle est légale et strictement régulée (Allemagne, Pays-Bas, Danemark, Grèce). Pour autant, le trafic n’a pas diminué pour autant dans ces pays européens.

Lorraine Racine, Responsable de la coopération avec le Parlement européen, 

Sous la direction de Benjamin Toussaint, Directeur des affaires européennes


[1] https://www.ohchr.org/fr/Issues/Trafficking/TiP/Pages/Index.aspx

[2] https://news.un.org/fr/story/2021/02/1088282

[3] https://news.un.org/fr/story/2022/01/1111932

[4] https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F2532

[5] https://fr.myeurop.info/2021/04/14/les-multiples-visages-de-la-prostitution-en-europe/